Ou les différents concepts liés à la sécurité des vols…
Pierre-Henri « Até » Chuet est connu pour son passé de pilote dans l’Aéronavale et de pilote de ligne, et désormais pour ses vidéos relatives à la sécurité des vols ou à ses analyses dans le domaine militaire, diffusées sur sa chaîne YouTube. Son dernier ouvrage « Crashs » n’échappe pas à son domaine de prédilection mais il ne s’agit pas d’un simple récit d’accidents. Avec le sous-titre « Ces accidents qui vous sauvent la vie », il s’agit de passer en revue l’évolution de la sécurité aérienne et ses différents concepts depuis 1935 jusqu’à nos jours, avec les bases, la situation actuelle et l’anticipation pour l’avenir.
Chaque accident a donné lieu à un rapport détaillant les erreurs ayant mené au résultat tragique ou non, qu’il s’agisse d’une erreur commise dans le cockpit, dans la conception de l’appareil ou dans la gestion globale du transport aérien y compris côté contrôle aérien. Ainsi, sont passés en revue le pourquoi et le comment des grands principes devenus des standards en matière de sécurité, qu’il s’agisse de l’usage de la check-list, de la mise en place du CRM (Crew Ressource Management) et ses différentes évolutions dans le temps, des SOP (Standard Operating Procedures) ou du TEM (Threat and Error Management, gestion des erreurs et des menaces), sans oublier le monitoring croisé (cross-check en équipage à deux) et bien d’autres…
Chaque concept est lié à un accident majeur qui a servi de catalyseur à une évolution des pratiques ou des mentalités. Exemple : c’est l’accident du prototype du Boeing B-17, par non-déblocage des commandes de vol dans le cockpit, qui a mené à établir les premières check-lists. L’accident au sol de deux Boieng 747 KLM/TWA à Tenerife a montré la nécessité de la réduction du gradient d’autorité dans un cockpit et donc le CRM, le commandant de bord n’étant pas omniscient…
Chaque concept abordé s’appuie sur un ou plusieurs accidents rapidement résumés, graphique à l’appui, événements souvent devenus emblématiques, qu’il s’agisse du DC-10 de Sioux City et ses trois systèmes hydrauliques hors service, ou du Qantas 32, un A380 aux 50 messages d’erreur dans le cockpit après l’explosion d’un seul réacteur, du Spanair 5022 mal configuré au décollage, jusqu’au posé dans l’Hudson de l’US1549 piloté par Chesley « Sully » Sullenberger. C’est aussi le vol plané réussi de l’A330 d’Air Transat aux Açores, après fuite de carburant.
Si l’ouvrage est orienté « aviation commerciale » par le choix des accidents retenus, quasiment tous les concepts évoqués au fil des pages sont connus et utilisés en aviation générale, étant utiles à une bonne culture de sécurité : check-list, briefings (roulage, départ, arrivée ou approche), phraséologie standard, collationnement, Fordec (même si le R pour analyse des risques est oublié dans l’explication de l’acronyme… en page 82), bilan carburant, plaques de James Reason, culture juste, gestion des erreurs et des menaces, proactivité, fatigue, stress, gestion de la charge de travail, prise de décision, conscience de la situation… Et l’auteur de recommander aux pilotes de ligne en exercice de conserver leur « sens de l’air » le plus basique, face à la montée en puissance des automatismes, en pratiquant… l’aviation légère.
Quel que soit le type d’aéronef, le maillon faible demeure l’opérateur humain. L’analyse des erreurs du passé doit donc permettre d’améliorer le niveau de sécurité, en se souvenant des raisons qui ont rendu nécessaires telles ou telles pratiques. Souhaitant rendre « ces leçons mémorables, transmissibles et applicables bien au-delà du cockpit », l’ouvrage atteint son but en balayant de façon pédagogique les « barrières défensives », ces protections fruit des retours d’expérience de plus de 90 ans d’aviation. ♦♦♦
PS : la finesse d’un A330 approche des 30 points et non pas 14… (page 214)
– Crashs, ces accidents qui vous sauvent la vie, par A. Chuet. Autoédition. 262 p. 21,00 €