
Enseignements à partir d’un rapport d’accident, l’avion finissant sur le dos.
Que ce soit lors d’un atterrissage en campagne ou à la suite d’une sortie de piste, il n’est pas rare qu’un appareil finisse sur le dos, après basculement en fin de trajectoire. Cette situation n’est pas limitée aux aéronefs à train classique, plus enclins à passer sur le nez (mise en pylône) voire sur le dos. Ce peut être aussi le cas pour un aéronef à train tricycle, après rupture de la roue avant ou après avoir touché le sol d’un saumon d’aile, ce dernier devenant un point d’appui pour le basculement sur le dos. Plusieurs dizaines de rapports du BEA mentionnent
de tels cas mais très peu s’attardent sur les ceintures et harnais de sécurité, se concentrant sur la cause initiale de l’accident.
C’est aussi le cas de l’AAIB britannique sauf dans un récent rapport concernant l’accident
d’un Cessna 210 Centurion survenu en avril 2024. Si les 31 pages se focalisent sur la cause initiale, quelques enseignements sont diffusés en matière de « survivabilité » et de harnais de sécurité. L’équipage du Cessna 210 est constitué d’un pilote et d’un passager. L’accident est dû à la non-détection du compensateur de tangage en position quasiment plein piqué. Le pilote ayant du mal à effectuer la rotation, il parvient tout juste à quitter le sol avant de retoucher ce dernier, lors de multiples rebonds. Il annule le décollage mais sort de piste, le tout entraînant la rupture de la roue avant. Le nez de l’appareil s’enfonce dans le sol et le Cessna passe
sur le dos.

L’enquête va pointer du doigt une panne intermittente du pilote automatique ayant pu entraîner le déréglage du compensateur mais pour cet article, on retiendra surtout que le pilote a subi des blessures mineures mais son passager a été gravement blessé, entraînant son décès quelques jours plus tard. Une fois l’appareil arrêté sur le dos, tous deux étaient suspendus dans leurs sièges, retenus par les harnais. Le pilote a alors questionné son passager, sans réponse de ce dernier, semblant inconscient. Le pilote a coupé le contact général, s’est libéré du harnais et a quitté le cockpit. Faisant le tour de l’appareil pour passer côté passager, il a été écarté par les équipes de secours déjà arrivées sur place.
Les secours ont dégagé le passager, les pompiers sont intervenus ensuite car de l’essence coulait des ailes, un pompier allant confirmer visuellement que le contact général était bien sûr Off. Il a également noté que l’interrupteur du pilote automatique était sur On. Le passager
a été évacué à l’hôpital, restant dans un état critique durant huit jours avant de décéder des complications associées à des fractures des cervicales. Le jour même de l’accident, le pilote avait quitté l’hôpital après un temps d’observation.
L’appareil était équipé de harnais 3-points aux sièges avant, avec classiquement une ceinture abdominale et une ceinture transversale détachable, reprise sur le montant arrière des portes. Toutes sont réglables en longueur selon la taille de l’occupant du siège. Pour le décollage, le pilote avait serré la ceinture abdominale mais avait laissé de côté la ceinture transversale.
Le passager avait bien mis en place cette dernière. Tous deux, une fois l’appareil passé sur le dos, ont subi un choc de la tête sur le plafond de l’appareil, la marge de hauteur étant faible.

Mais le pilote, moins bien attaché des deux, a survécu avec peu de blessures tandis que son passager a subi des blessures graves bien que complètement attaché à son siège. Il est devenu inconscient après le choc de sa tête sur le plafond du Cessna. Ses cervicales ont subi une soudaine force de compression se diffusant dans sa colonne vertébrale à partir du choc de sa tête.
En cherchant à mieux comprendre la différence de résultat entre les deux occupants de l’appareil, l’AAIB a considéré que le torse du pilote, non retenu par le harnais transversal, avait pivoté en avant alors que l’appareil décélérait rapidement et passait sur le dos après avoir quitté la piste. Quant au passager, il était resté droit sur son siège, étant bien retenu en place. D’où le croquis figurant dans le rapport de l’AAIB (légendes francisées par aeroVFR.com).

En passant sur le dos, la tête du pilote a ensuite effectué un mouvement rotatif, menant à un choc tangentiel lors du contact de sa tête avec le plafond. Pour le passager, le mouvement n’a été que vertical avec un choc dans l’axe de sa colonne vertébrale. L’enquête n’a pas permis de déterminer le niveau de serrage du harnais latéral du passager, la lanière ayant été coupée par les secours pour le dégager. Si sa ceinture abdominale n’était pas bien serrée, il y avait la possibilité d’un mouvement vertical, lui faisant quitter le siège et ce, avec une faible marge entre sa tête et le plafond.
D’où la recommandation de l’AAIB précisant qu’il est prudent de s’assurer lors des phases de vol critiques d’être bien attaché, harnais serrés, mais sans entraîner une incapacité du pilote à atteindre toutes les commandes. Ainsi, l’usage correct d’un harnais doit réduire le niveau de blessure en cas d’accident.
On rajoutera que si un appareil achève sa trajectoire sur le dos, équipage maintenu sur les sièges par les harnais, il est important de faire attention en se libérant pour éviter une situation similaire. Il est déjà arrivé que des pilotes ayant subi aucune blessure lors de l’accident soient ensuite gravement blessés, voire pire, en se détachant et en tombant dans l’habitacle. Il est sans doute nécessaire d’incliner la tête pour ne pas supporter tout son poids dans l’axe de la colonne vertébrale et il faut atténuer au maximum le contact brutal avec le sol (cockpit torpédo) ou le plafond de l’appareil, en s’aidant de ses bras.
Sans passer sur le dos, un atterrissage forcé doit s’anticiper par le bon serrage des ceintures de sécurité mais aussi par les postures de sécurité. Pour les passagers à l’arrière, les procédures appliquées sur avion de ligne s’imposent avec la tête en avant, reposant sur ses jambes ou appuyée sur le dossier du siège devant soi, solution plus probable vu l’espacement des sièges. Dans le cas du passager en place avant, avec devant lui le manche ou le volant qui constituent une menace, une solution à envisager est peut-être de prendre appui sur la casquette du tableau de bord avec ses deux bras, pour éviter au maximum un contact brutal avec les commandes ou le tableau de bord s’il n’y a pas de harnais latéral. Pour le pilote, il en sera de même du bras gauche, la main droite devant piloter jusqu’au dernier instant… ♦♦♦
Photos © BEA et AAIB
Pour aller plus loin :
– Les ceintures et les postures de sécurité sont vitales !
Document issu d’un symposium de l’aéro-club du CE Airbus Opérations Toulouse (ACAT)