Étude du BEA sur les mécanismes cognitifs, émotionnels et physiques…
Les parachutes de secours équipent bon nombre d’ULM et quelques modèles d’avions certifiés. Des enquêtes récentes ont montré que dans des situations où « toutes les circonstances étaient en apparence réunies pour l’utilisation du parachute », celui-ci n’a pas été activé par le pilote ou un passager. D’où l’étude lancée par le BEA pour « mieux comprendre les mécanismes (cognitifs, émotionnels, physiques) en jeu dans l’activation ou la non-activation d’un parachute de secours ». Cette étude, portant sur la période janvier 2015-août 2022, a été mise en ligne ce mois d’août 2025.
L’étude a porté sur 95 accidents. 88 dont 38 mortels concernent l’ULM. Sur les 21 cas d’activation du parachute – alors que 74 cas auraient été susceptibles de voir le parachute activé – ce dernier a été activé un peu plus de 1 fois sur 5 en ULM multi-axes, un peu plus de
2 fois sur 5 en avion. Sur les 21 cas, 18 ouvertures n’ont pas rencontré de dysfonctionnement technique de l’activation au déploiement de la voile. Les quatre types de situation menant à l’activation sont : perte de contrôle, perte de références visuelles, vitesse excessive, absence de terrain propice pour un atterrissage en campagne. Il est notamment rappelé la « nécessité d’arrêt du moteur avant le déploiement ».
Des « enquêtes font apparaître plusieurs cas de déclenchement tardif, sans qu’il soit possible d’expliquer le processus de décision », ces cas étant majoritairement des accidents mortels d’ULM, les témoignages du pilote ou de l’équipage n’ont pu être recueillis. D’où l’intérêt d’étudier les facteurs influençant la décision des pilotes d’activer ou non le parachute.
Ainsi, 12 pilotes (10 ont répondu…) ayant activé leur parachute et dont l’événement n’a pas donné lieu à une enquête du BEA ont été contactés pour recueillir leur témoignage et leur retour d’expérience.
L’analyse a mis en avant des facteurs clés favorisant l’activation du parachute :
– l’appropriation du parachute (connaissances techniques, critères de déclenchement avec des règles clairement établies en amont, effort et course de la poignée, etc.). Ceci passe par la procédure d’activation remémorée lors d’un briefing avant décollage pour limiter le stress et l’effet de sidération – en confirmant le retrait de la goupille de sécurité… Le fait d’avoir effectué le geste réel au préalable lors d’un entraînement permet une exécution de façon automatique en cas d’urgence.
– une volonté de l’utiliser (pas d’aversion à son utilisation). Son utilisation doit être valorisée. D’où l’importance des témoignages, retours d’expérience, vidéos pour que cette option soit en tête dès le début d’une situation critique même si la première option consistera généralement à tenter de reprendre le contrôle de l’appareil.
L’un des facteurs clés sur les modalités de la prise de décision (entre réflexe, analogie à
une situation connue pour laquelle le parachute est efficace, raisonnement basé sur des règles comme la hauteur minimale d’activation ou encore le résultat d’un véritable processus de prise de décision après analyse des alternatives, des risques, des options…) est évidemment
« la perception du temps restant disponible pour prendre cette décision ». Ce temps « est déterminé par la dynamique de la séquence accidentelle, la hauteur de l’aéronef, son attitude, sa trajectoire et sa vitesse d’évolution ».
L’étude comprend 4 rapports relatifs à des accidents liés à la thématique depuis 2022. Deux rapports (en téléchargement en bas de page) sont relatifs à des accidents concernant des WT9 Dynamic en vol d’instruction, avec une ouverture trop tardive du parachute pour l’un, une ouverture réussie pour le second. Dans les deux cas, il s’agissait au départ d’un exercice de décrochage.
Depuis, le constructeur Aerospool a recommandé l’installation de stall-strips (barrettes de décrochage) améliorant le comportement de l’appareil « en aidant le profil laminaire à décrocher de manière plus symétrique et de garder un meilleur contrôle en lacet ». Sans ces stall-strips, le WT9 ne permet pas de répondre aux exigences de comportement au décrochage en catégorie CS-LSA. Le kit en retrofit a été proposé en option pour les WT9 en catégorie ULM. En conséquence, le BEA a émis la recommandation que la DSAC rende obligatoire l’installation des stall-strips à l’ensemble des WT9 ULM non équipés en France (environ 130 sur les 150 produits avant 2018).
De plus, pour les ULM multi-axes « nouvellement conçus » et « ayant une charge alaire élevée », le BEA recommande que la DSAC impose des conditions spéciales de navigabilité relatives au comportement de l’ULM à l’approche et lors du décrochage. Si la réglementation ULM (arrêté du 23 septembre 1998 modifié) demande de vérifier la maniabilité et la stabilité de l’ULM en toute configuration de masse et de centrage, « aucune exigence n’existe ni sur le comportement lors du décrochage ni sur le comportement en vrille ».
Le BEA note que des ULM dits « performants » peuvent « avoir des comportements déroutants par rapport à des LM de charge alaire significativement plus faible, et ainsi surprendre des pilotes en particulier lors du décrochage ». Lors de plusieurs accidents,
« les pilotes ont perdu le contrôle de leur ULM et sont entrés de manière involontaire en vrille ». N’ayant généralement pas été formés et confrontés à une vrille lors de leur formation et lors de vols de maintien de compétence », il est « donc peu probable qu’un pilote non formé soit capable d’identifier une vrille et d’appliquer correctement la procédure de secours ».
D’où le retour à la case départ et au point 0 de l’étude du BEA, soit l’utilisation du parachute
de secours… ♦♦♦
Pour aller plus loin :
BEAparachute
ParachuteWT9a
ParachuteWT9b