Sans oublier la gestion des rebonds à l’atterrissage…
C’est un rapport du BEA relatif à l’accident d’un Elixir survenu à Chavenay-Villepreux en juin 2024, après « atterrissage dur, rebond et endommagement de la timonerie de roulis et rupture du bâti-moteur ». Au-delà des criques ou fissures relevées sur les bâti-moteurs des Elixir notamment après 600 heures de vol et imposant par Consigne de navigabilité EASA une inspection visuelle toutes les 25 heures de vol.
Ceci a fait suite aux défauts de soudage observés et pouvant être liés à « des contraintes locales particulièrement élevées lors des phases de démarrage du moteur » notamment du fait de l’inertie importante de l’hélice, le constructeur a décrit plus précisément les zones d’initiation de criques ainsi que les méthodes d’inspection à utiliser, tout en concevant un nouveau bâti-moteur renforcé. Un BS de juillet 2025, rendu obligatoire par l’EASA fin août 2025, rend obligatoire le remplacement des bâti-moteurs par les nouvelles versions.
Ainsi, les « analyses menées a posteriori par le constructeur montrent que les normes de certification des aéronefs ne peuvent en aucun cas être exhaustives et totalement prescriptives. Elles ne peuvent se substitue au jugement éclairé d’un bureau d’études qui est le résultat d’un assemblage complexe de compétences techniques, d’expériences personnelles de ses membres ainsi que de bonnes pratiques issues de l’expérience collective de l’industrie » précise le BEA en matière d’enseignement Sécurité.
Au-delà de ces problèmes techniques à retrouver dans le rapport du BEA en téléchargement en bas de page, d’autres points mentionnés dans le document de 12 pages attirent l’attention… Il faut mentionner ainsi les circuits de piste à trajectoire « contrainte » et la gestion des rebonds.
Des tours de piste contraints
L’accident relaté est survenu sur l’aérodrome de Chavenay, dans l’ouest parisien où l’urbanisation proche d’une grande ville amène depuis quelques années son lot de contraintes en matière de tours de piste, avec notamment des « ronds bleus » dont le survol est à éviter mais qui parfois, notamment à Paris-Saclay-Château de Versailles-Le Petit Trianon et l’Orangerie (alias Toussus-le-Noble) sont « interdits ». On est loin des périodes pas si lointaines où en phase de décollage et d’atterrissage, il était convenu réglementairement qu’il n’était pas possible de respecter les hauteurs de survol au-dessus d’habitations. Désormais, à lire les fiches VAC, c’est parfois un gymkhana pour zig-zaguer entre les « ronds bleus » avec la nécessité de limiter son empreinte sonore, l’aviation générale ayant peu de poids en matière électorale… mais c’est aussi une menace sur la sécurité des vols.
Ainsi, en 05 à Chavenay-Villepreux (photo d’ouverture), un seuil décalé limite la distance d’atterrissage (LDA) à 729 m mais la trajectoire du tour de piste publiée montre un circuit imposé à respecter, car son tracé est « fermé » ou dessiné intégralement et non pas « ouvert », laissant dans ce dernier cas des latitudes aux pilotes pour définir leur circuit. Et pour éviter Grignon et la ferme expérimentale de Grignon, la base doit être rapprochée.
Et le rapport d’expliquer que, « afin de respecter le plan d’approche en piste 05, selon la documentation, la mise en descente doit être effectuée en vent arrière et le dernier virage effectué à 180 ft de hauteur, ce dernier étant à environ 1.100 m de la piste. À défaut, une mise en descente au début de l’étape de base, situé à 3.000 m de la piste, conduit à un plan de pente de l’ordre de 5° (environ 8,5%). Le plan peut être corrigé au cours de la finale afin de s’approcher du plan de pente de 3° (5,2%) ».
« Cependant, sur une pente excessive, toute correction à piquer entraînera nécessairement une augmentation de vitesse qu’il sera d’autant plus difficile à corriger qu’elle a lieu à faible hauteur en finale. Ces éléments sont susceptibles d’entraîner des approches non stabilisées et des accidents liés à un excès d’énergie de l’aéronef en finale », symptômes « subis » par le pilote de l’Elixir, tout en sachant que le « trop vite, trop tue » de l’avion léger à l’avion de ligne…
Le « Guide de l’instructeur VFR de l’ENAC précise que sur certains aérodromes, un circuit de piste est publié. Ces trajectoires imposées doivent être suivies (trace sol et/ou altitude). La descente en vue de l’interception du plan d’approche sera initialisée en fonction de ces contraintes. Une attention particulière devra être portée à l’étude de la fiche d’aérodrome pour déterminer le point de mise en descente. Le plan d’approche pourra être majoré en fonction de ces contraintes ».
Le BEA rappelle par ailleurs que « l’approche sur une pente standard 3° (5,2%) permet de :
– éviter des collisions en vol en finale, avec des aéronefs de performances différentes susceptibles de suivre des plans différents,
– garder un certain régime moteur (de l’ordre de 30%) et ainsi éviter une finale moteur réduit, favorisant la reprise du moteur en cas de remise de gaz,
– facilite les corrections en cas d’écart de vitesse, dans un sens comme dans l’autre ».
En matière d’accidentologie, « l’analyse de la base de données du BEA montre qu’entre 2025 et 2024, 8 accidents d’aviation générale sont survenus » à Chavenay, catégorisés en :
– perte de contrôle en finale : un accident mortel et un accident matériel,
– collision avec un obstacle en finale : un accident matériel,
– rebond, atterrissage dur : quatre accidents matériels,
– sortie longitudinale de piste : un accident matériel.
Ces « accidents sont directement liés à la gestion de l’énergie de l’aéronef en finale ou au suivi du plan d’approche », la sécurité imposant un contrôle des paramètres et donc des finales stabilisées, sans oublier que la remise de gaz reste la meilleure solution quand la finale n’est pas maîtrisée.
Le BEA cite d’autres aérodromes ayant connu des accidents matériels comparables, tous liés à « des circuits contraints, avec potentiellement un impact sur la pente du plan d’approche choisie par le pilote » : Aix-Les Milles, Lognes-Emerainville, Toussus-le-Noble. On pourrait en citer d’autres, de Gap à Saint-Cyr l’Ecole en passant par Mont-Dauphin – les contraintes étant liées au relief ou à l’espace aérien.
Des rebonds à l’atterrissage
Interrogé, l’instructeur ayant lâché notre pilote sur Elixir explique, à juste titre, « qu’il n’y a pas de séance spécifique pour la formation à la conduite à tenir lors d’un rebond. Selon lui, tout élève pilote et généralement confronté à un rebond notamment en début de formation lorsque la technique d’atterrissage n’est pas maîtrisée. Il ajoute que l’Elixir est peu sensible aux rebonds notamment sur piste en herbe ».
En cours de formation, lors des tours de piste pour maîtriser l’arrondi, les rebonds font partie de l’apprentissage, sous contrôle de l’instructeur. Des remises de gaz sont effectuées si le rebond est jugé important mais la formation ne rentre pas dans les détails, surtout si l’arrondi est rapidement acquis par le stagiaire mais ce dernier n’est pas à l’abri de faire des rebonds quelques heures plus tard, une fois le brevet obtenu. Le pilote de l’Elixir a expliqué que « c’était la première fois qu’il était confronté à un rebond d l’avion et qu’il n’avait jamais fait face à cette situation au cours de sa formation ». Du perfectionnement dans ce domaine permettrait de traiter ce cas de figure, avec notamment l’évaluation de l’assiette subie après le rebond et la solution à retenir.
Si l’assiette est forte, la hauteur par rapport au sol importante, la solution la plus simple demeure la remise de gaz mais c’est une situation difficile à bien maîtriser à proximité du sol, à faible vitesse, à forte assiette, avec les effets moteur qui entrent rapidement en jeu tandis que l’efficacité des gouvernes aérodynamiques n’est pas pleinement utilisable.
Ce peut être aussi un rebond moins important, où il faudra redonner un peu d’énergie à l’appareil par un apport partiel de puissance. Ce dernier aura pour atouts de redonner un peu de vitesse à l’aéronef, d’augmenter la portance notamment de la voilure dans le souffle hélicoïdal et aussi d’accroître l’efficacité des gouvernes et notamment la profondeur. Ainsi, il sera possible de recommencer un arrondi un peu plus loin si la piste n’est pas limitative.
Ne parlons pas des multiples rebonds successifs de faible amplitude, où l’énergie cinétique est résorbée progressivement et où il suffit de bien conserver l’assiette, voire de l’augmenter un peu car ce type de rebonds est généralement dû à un atterrissage à vitesse un peu trop élevée et/ou à assiette insuffisamment cabrée, l’excédent de vitesse renvoyant l’appareil à très faible hauteur – un atterrissage de colonel…
Cette problématique de la gestion des rebonds a déjà été abordée sur ce site il y a… 9 ans, mettant en lumière la prise en compte de cette situation par le cursus de formation américain mais pas français. Il y a quelques années, la Mission Évaluation et Amélioration de la Sécurité (MEAS/DSAC) en aviation générale avait évoqué le projet d’une campagne d’information sur le sujet mais sans suite à ce jour.
Le vol de l’accident était « le premier vol du pilote en tant que commandant de bord sur Elixir. Sur type, il totalisait 5h44 de vol en double commande » (en 6 vols) en plus de 3 heures de simulateur et 6 heures de formation théorique en groupe sur l’appareil (description de l’avion, performances, procédures et fonctionnement de l’EFIS). Avant de revenir à Chavenay, il avait effectué deux circuits de piste à Dreux, le premier avec une approche interrompue, le second en posé-décollé, avec un plan initial de 5° amené à 3°, une vitesse non stabilisée et un point cible de la trajectoire situé à mi-piste.
En notera que le rapport du BEA suscité précise que lors des derniers vols avec le pilote, la séance d’instruction avait comporté des circuits basse hauteur, la plupart conduits selon un plan de pente de l’ordre de 5°, l’instructeur précisant que « la plupart des circuits d’aérodrome, notamment les circuits basse hauteur, se terminent moteur réduit, en PTU. Il précise que le but de ces exercices est de faire découvrir l’intégralité du domaine de vol au pilote en formation. L’instructeur ajoute enfin que pour les circuits d’aérodrome en piste 05, en instruction ou en vol de contrôle, il montre la nécessité d’anticiper la mise en descente, dans la deuxième moitié de la branche vent arrière, afin de virer en étape de base à une altitude de 1.000 ft (575 ft AAL) ».
Ainsi, « la formation récente reçue par le pilote a pu contribuer à une arrivée sur un plan fort (environ 5° ou 8,7%) – graphique ci-dessus. Combinée à une vitesse élevée (supérieure de plus de 10 Kt à celle recommandée dans le manuel de vol), la gestion de l’arrondi à l’atterrissage devient alors délicate pour un pilote ayant une faible expérience » (70 heures de vol dont une vingtaine en tant que commandant de bord). ♦♦♦
Rapport du BEA en téléchargement :
ElixirChavenay
Pour aller plus loin :
– Savoir gérer les rebonds
– De l’importance des finales stabilisées
– De la remise des gaz
– Les à-côtés de la formation
– Prise de décision en approche
– De l’impératif d’une finale stabilisée
– De la vitesse en finale…
– Enseigner l’approche finale…
– Pour éviter les sorties longitudinales à l’atterrissage