Du bon usage des freins à l’atterrissage…
À lire des Rex ou des rapports d’incidents/accidents du BEA, on retrouve ici ou là des éclatements de pneus, arrivant peu après l’atterrissage et pouvant occasionner des sorties de piste latérale. Le scénario le plus « classique » est une finale non maîtrisée au niveau de la vitesse, trop excessive et un atterrissage qui peut être long et c’est là que le pilote – qui aurait dû remettre les gaz avant de rejoindre le sol – s’aperçoit que l’extrémité de la piste arrive plus vite que prévu…
D’où un freinage énergique qui peut mener à l’éclatement d’un pneu. Dans le « meilleur des cas », les pneus n’éclateront pas mais ils ont pu subir une dégradation, avec un « méplat »
ou une « escalope » endommageant les bandes de roulement, diminuant l’épaisseur en caoutchouc. Et c’est lors des atterrissages suivants que l’éclatement peut survenir, à l’occasion de différentes situations : des rebonds avec les pieds sur les freins, un nouveau freinage énergique ou encore une sortie trop rapide de la piste pour emprunter un taxiway en déformant latéralement le pneu…
Le freinage à l’atterrissage est une phase qui peut être délicate à gérer. Le dosage doit être bien contrôlé et la progressivité du freinage peut être différente d’un appareil à l’autre bien
que du même modèle, les freins pouvant « mordre » plus ou moins rapidement. D’où l’essai
de frein impératif dès les premiers mètres de roulage pour noter qu’ils sont efficaces et symétriques. La majorité des appareils ayant des freins en sommet de palonniers, il est essentiel de décoller et d’atterrir avec les « talons au plancher » pour éviter d’intervenir sur
les freins.
Au décollage, un freinage involontaire augmenterait considérablement la distance de roulage au décollage tout en faisant chauffer les freins. Ce cas se retrouve sur des rapports du BEA avec un élève crispé sur les palonniers pour tenir l’axe au décollage et une accélération plus faible, la crispation pouvant s’accentuer au fur et à mesure que la distance disponible devant le pilote devient de plus en plus faible…
À l’atterrissage, les « talons au plancher » permettent de ne pas actionner immédiatement
les freins. Si la vitesse est peu trop excessive, suite à une approche par conditions turbulentes par exemple, garder un peu d’assiette à cabrer pour retarder le posé de la roue avant participe au freinage avec la traînée aérodynamique. Une fois les roues au sol, la décélération se fait d’elle-même progressivement et il faut attendre un peu avant d’actionner progressivement les freins par « petites touches » et non pas un freinage trop appuyé pouvant mener au blocage des roues.
La pression sur les palonniers doit ainsi être modérée à grande vitesse. Plusieurs actions répétées sont sans doute préférables à une seule action dont le dosage pourrait être trop marqué. Plus la vitesse diminue et plus il est possible alors d’accentuer progressivement l’action sur les freins. Ces pratiques doivent éviter le blocage des roues car sur avion léger,
il n’y a pas le système ABS des voitures. C’est le pilote qui joue le rôle de l’ABS et dès que
le blocage des roues est ressenti, il faut aussitôt relâcher la pression pour laisser tourner
les roues. Sinon, le glissement du pneu arrêté sur piste en dur va entraîner la « fonte » du caoutchouc et endommager le pneu sans compter un freinage moins efficace.
Quelques points supplémentaires à prendre en compte :
– le freinage se fait de la « pointe » des pieds pour avoir une certaine sensibilité et non pas avec la totalité du pied, le dosage étant alors moins aisé. Tant qu’il y a de la vitesse (efficacité de la profondeur), le manche arrière permet de soulager la roulette avant. Un freinage trop accentué « chargera » le train avant (risque possible de shimmy).
– s’il est possible de réaliser (volontairement ou non) un atterrissage avec une légère composante de vent arrière, la vitesse sol est accrue et donc les sollicitations des pneus au contact de la piste sont également accentuées. D’où la nécessité d’être encore plus attentif
à la technique de freinage. Sur TB-30, avec une vitesse d’approche de 90 Kt sans vent, le manuel précise que les pneus ne sont « validés » que jusqu’à 104 Kt…
– par vent de travers (ou pas…), il est préférable de bien poser l’appareil avec les roues parallèles à l’axe de piste, sans « dérive latérale » pour éviter des efforts latéraux au niveau des pneus. D’où la nécessité lors de tout atterrissage de bien contrôler les mouvements en lacet du nez de l’appareil subissant les effets moteur à l’arrondi. S’il y a le choix par fort vent de travers, une piste en herbe absorbe mieux les efforts latéraux subis par les pneus par rapport
à une piste en dur bien sèche…
– attention à une vitesse trop fort en finale. S’il n’y a aucune raison pour cet excédent de vitesse (conditions turbulentes, vent de travers, etc.), la remise de gaz pour une nouvelle présentation est à prendre en considération. Attention aux aérodromes dont la piste est
en légère descente, exigeant un « surcroît de freinage » si la vitesse et/ou le point d’aboutissement en finale n’ont pas été correctement maîtrisés. Exemple : Dinan, Dijon-Darois, Barcellonnette…
– malgré la présence de carénages limitant souvent l’inspection visuelle à la visite prévol, un contrôle de l’état de pneus est recommandé. On peut également noter la « forme » du pneu et noter ainsi un pneu un peu plat à sa base nécessitant un « coup de gonflage ». Ce peut être le cas pour un appareil qui n’a pas volé depuis un certain temps et le temps aidant, les pneus deviennent « carrés » à la base… Ceci peut entraîner ensuite des vibrations au roulage.
– sur piste limitative, le respect de la vitesse en finale est crucial. Attention au biais d’habitude. Selon les conditions aérologiques du jour, les marges peuvent être trop faibles ce qui peut entraîner un usage excessif des freins. Si les marges sont (trop) faibles après étude des performances à l’atterrissage, c’est une alarme de plus pour inciter au renoncement. La rentrée des volets peu après le toucher des roues diminue l’effet de sol et la portance, accentuant l’effet du freinage. Bien identifier la commande de volets avant de l’actionner… surtout sur appareil à train rentrant.
– si l’urgence ne l’impose pas, il est préférable « d’étaler » une décélération quitte à dépasser le taxiway visé et devoir faire ensuite un demi-tour pour quitter la piste plutôt que de
« monter sur les freins » et risquer un blocage des roues, voire un éclatement de pneu.
Ne pas succomber à la pression d’une finale derrière vous…
– certains avions de conception ancienne ne bénéficient pas de freins au sommet des palonniers (exemple : DR d’ancienne génération, Fournier RF-6B, etc.). S’il n’y a pas de risque de freinage intempestif au décollage et à l’atterrissage, il est nécessaire au décollage de bien repousser la poignée pour éviter toute entrée en fonction du système de freinage à l’atterrissage à venir. Attention à la confusion de commandes en vol pouvant entraîner à tirer une manette qui serait celle du maintien du frein de parking…
– sur avion à train classique, avec des freins différentiels sur chaque train principal, le dosage du freinage peut être encore plus critique. Il faut avoir les « pieds légers » au risque non pas d’endommager les pneus mais l’hélice. ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com
Pour aller plus loin :
– Freinage dissymétrique sur Rafale
FreinageRafale
– Eclatement de pneu sur Beech Baron et piste limitative
FreinageBaron
– Freinage résiduel sur DR-315
FreinageDR315