Les dangereux dessous des Taf et Métar automatique…
Lors de la réunion annuelle de la DSAC Nord, organisée le 19 novembre à l’intention des dirigeants et instructeurs de la région parisienne, le pilote instructeur Stéphane Mauve a fait une présentation concernant les étranges subtilités du « codage » de certains messages météorologiques, avec la mise en lumière de quelques surprises de taille…
Savez-vous ainsi qu’un Taf indiquant un vent du 090° pour 10 Kt peut en fait cacher dans la réalité un vent du 040° pour 19 Kt avec des rafales à 28 Kt ! Ou qu’une visibilité annoncée de 4.000 m peut dans les faits être une visibilité « dominante » de… 3.000 m. Surprise ! Et ce n’est pas nouveau car ces « divergences » possibles entre l’énoncé du Taf et la réalité vécue proviennent du mode d’établissement du Taf selon un protocole défini par l’OACI. Et l’assistance d’apprendre qu’un Taf est avant tout destiné aux vols… IFR !
On savait que l’aviation légère était la cinquième roue du carrosse et que le « client » principal est le transport aérien mais de là à découvrir que les Taf peuvent être inadaptés à un usage VFR… Tout provient du protocole de rédaction d’un Taf, avec des notions de « seuil opérationnel », lié aux minimas IFR en termes de visibilité et de plafond.
Ainsi, une visibilité annoncée ne sera modifiée que si elle atteint et/ou dépasse un certain seuil. Une visibilité publiée de 4.000 m, en dégradation, sera modifiée si la visibilité atteint et tombe sous les 3.000 m. En cas de visibilité de 4.000 m en amélioration, le Taf sera modifié si la valeur de 5.000 m est atteinte. Si la visibilité demeure entre 3.000 et 4.900 m, le Taf indiquant 4 km de visi sera donc « bon » et non modifié même si vous avez 3 km de visibilité dans la « vraie vie » !
Il en est de même pour le vent. Un changement de vent sera modifié sur un Taf si le vent change de plus de… 60° de direction ! Si sa force augmente de plus de 10 Kt ! Si les rafales rajoutent encore plus de 10 Kt ! Donc un vent du 090°/10 Kt sera maintenu même si le vent tourne au 040° (moins de 60° d’écart) et même si le vent forcit à 19 Kt (moins de 10 Kt d’augmentation), même si les rafales affichent 28 Kt (moins de 10 Kt en plus du vent). D’où l’exemple en début de texte.
Il est possible ensuite d’analyser les « subtilités » de certains termes dans le Taf.
– BECMG (Becoming) indique un changement « significatif », régulier ou irrégulier, sur une période donnée (2 à 4h00) avec les valeurs annoncées forcément atteintes à la fin de l’amplitude de temps.
– TEMPO (Temporary) indique une fluctuation des paramètres du temps significatif sur une période de moins de 1h00 et encore parle-t-on des conditions… « dominantes ».
– FM (From) indiquant un changement pas forcément significatif des conditions dominantes, avec une incertitude sur la période (+/- 30 mn).
Par « changement significatif », il faut comprendre le passage d’un « seuil » défini par le protocole de rédaction (vent, visibilité, précipitations, nuages).
Quant au Métar Auto, si l’on est parfois habitué à un NOSIG (NO SIGnificant change) indiquant « pas d’évolution attendue dans les deux heures », il faut noter qu’après une expérimentation sur 6 aérodromes, désormais appliquée à tous les terrains diffusant un Taf, les Métar Auto peuvent désormais donner une « tendance » (TREND). Le Métar avec « tendance » se transforme ainsi en une sorte de Taf sur 2 heures. Seules les stations émettant un Taf peuvent le faire car le processus impose une intervention humaine.
Il est rappelé au passage que depuis le 25 août dernier (Ops européennes), le NCO.OP.160 précise qu’un pilote commence ou poursuit son vol VFR que s’il détient des informations météorologiques indiquant que les conditions météo au départ, en route et à destination à l’heure prévue d’arrivée sont « égales ou supérieures aux minimas opérationnels VFR applicables ».
Notons encore d’autres « subtilités » qui ne font que compliquer les choses. Dans un TEMPO, certains types de dégradations doivent être pris en compte dans la prise de décision, quand il s’agit de phénomènes persistants tels que brume sèche, brume, brouillard… Ils peuvent être ignorés lorsqu’ils sont non persistants (averses transitoires de courte durée).
Comme on le voit, le travail d’analyse de la situation météo pour une prise de décision par un pilote privé est loin d’être facilitée par des « subtilités » destinées à l’aviation commerciale et que, dans les Taf et Métar, se cachent des « pièges » qui peuvent s’avérer dangereux pour la sécurité des pilotes de loisir, constituant ainsi une menace systémique que l’on ne pouvait imaginer à notre époque des Système de gestion de la sécurité (SGS), du concept de TEM (gestion des erreurs et menaces) et du Programme de sécurité de l’Etat (PSE)…
En conclusion, il est rappelé que la météo demeure un « paramètre flou » et qu’il est bon de vérifier les conditions annoncées via plusieurs « systèmes » ou outils mis à la disposition des pilotes afin de croiser les données, de la carte des fronts aux images satellites en passant par les GAFOR, seul outil spécifique au VFR mais que l’on a négligé jusqu’à présent en France contrairement à d’autres pays européens (Allemagne, Suisse…) et que goVFR.fr, initiative privée, a remis au goût du jour…
Le pire est d’apprendre que tout ceci n’est pas nouveau car le protocole de rédaction des Taf ne date pas d’hier… Météo-France, sans doute dans un souci de clarifier les choses, a publié en 2015 un « mémo » sur le sujet, téléchargeable à partir de son site Aeroweb. Il est possible également de consulter le guide Aviation de Météo-France, dont la dernière édition date de novembre 2016. Mais il est certain que l’on ne regardera plus désormais les Taf avec la même confiance que par le passé et c’est bien dommage… ♦♦♦
Ndlr : les liens « barrés » marchent !
A relire sur ce site, « La visibilité dominante du Métar ». abordant un autre « piège » à connaître.