Le récit d’une navigation « à l’ancienne » aux commandes d’un Quicksilver.
Stéphane Cosme, reporter et réalisateur pour le compte de France Inter, est aussi instructeur ULM. Il s’est acheté récemment un Quicksilver biplace, l’un des appareils pionniers dans le monde de l’ultra-léger motorisé à la fin des années 1970-début des années 1980. Il nous raconte un long convoyage de… 300 km à ses commandes.
Mercredi 22 septembre, 8h30, Baunement dans le département de la Marne. Dans la brume, vêtu d’un pantalon de ski, d’une grosse polaire, d’une veste de marin épaisse, un sac de courses dans la main gauche et un casque de ski dans la main droite, je marche au milieu d’un chemin de terre.
Perdu au milieu de nulle part dans les champs de betteraves, je rejoins un petit hangar dans lequel se trouve un ULM 3-axes. Je vais vivre une navigation étonnante qui s’inscrit dans une tradition assez ancienne du voyage aérien.
Durant l’été, j’ai fait l’acquisition d’un Quicksilver motorisé par un 2-temps, un Rotax 503. Cet appareil américain – biplace sans cabine, sans instruments ni radio, pilote à l’air libre – date de 1988. Sa vitesse de croisière est de… 60 km/h, sa finesse entre 4 et 5. Il ressemble étrangement à la Demoiselle d’Alberto Santos-Dumont. Une machine légère conçue pour la balade en local. Exactement ce qu’il me faut !
Je l’ai piloté plusieurs fois au mois d’août. Mais en cette fin septembre, le challenge est plus grand. Je dois le convoyer par les airs dans le département de l’Indre, à Argenton-sur-Creuse, soit près de 300 km. Dès la mi-septembre, je regarde donc les cartes météo dans l’espoir de trouver une journée ensoleillée, avec du vent de nord/nord-est d’environ 10 km/h pour me pousser.
Le dimanche 18 septembre, Météo-France m’apprend que le mercredi suivant, toutes les conditions météorologiques sont favorables et je décide de tenter l’aventure. Le mardi, je prends le train pour Romilly sur Seine et je dors chez l’agriculteur propriétaire du hangar, lui-même pilote ULM.
Petites caractéristiques techniques de la machine : le réservoir a une capacité de 25 litres et la consommation s’élève 15 l/h. En d’autres termes, j’ai les « jambes courtes ! ». Sur place, nous remplissons le réservoir et j’installe sur le siège passager un jerrican de 20 l d’essence, bien accroché et, scotchés à celui-ci, des bidons d’huile. Ma consommation horaire m’interdit de voler plus d’une heure ! Pour être en sécurité, je dois réaliser au maximum des branches de 60 km. L’avitaillement sera le point central de mon voyage.
Ma navigation est préparée depuis longtemps, à l’aide de la carte OACI au 1/500000e, du site QFU Free et du site BaseULM de la FFPLUM. Je sais précisément par où je dois passer, sur quelles bases ULM ou aérodromes me poser. Je connais par cœur les cartes VAC, les terrains de déroutement sont repérés. Dans ce voyage, Joël, un ami pilote ULM, me suivra en voiture, il doit me rejoindre sur l’aérodrome de Montargis.
21 septembre, 9h00. J’ai 3 km de visibilité, les éoliennes sont dans la brume et l’air est frais ! Un voisin m’aide à sortir l’appareil. Je décolle, cap au 210° mais je n’ai pas de compas. Mon application GPS VFR, installée dans le téléphone portable me donnera mon cap et mon altitude. Mon GSM est dans une pochette étanche transparente, accrochée à mon cou et, de temps à autre, avec le vent relatif elle se retourne et virevolte. En outre, la petite batterie d’appoint glisse sur l’écran.
Ma carte est bien fixée sur une tablette, elle-même accrochée à ma cuisse gauche. Après avoir dépassé Romilly-sur-Seine, laissée sur ma gauche et la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine sur ma droite, je me dirige en direction de Sens. A l’approche de cette ville, je trouve celle-ci « petite ». Un rapide coup d’œil à travers mes lunettes de ski sur mon téléphone portable m’informe que je suis à 3.700 ft QNH, ma vitesse-sol varie entre 65 et 70 km/h.
Comme le vent me dérive un peu vers Sens, je vise sur la droite un pont autoroutier de l’A19, pour être sûr de ne pas survoler la ville. En même temps, je dois suivre cette 4 voies pour rejoindre ma première escale, la base d’Egriselles-le-Bocage, au sud-ouest de Sens
Pendant la descente, je reconnais parfaitement la boucle de l’A19 ainsi que le paysage étudié sur Google Earth. Une fois posé sur un terrain de 300 m de long labouré par les sangliers, à l’aide d’un escabeau prêté par le propriétaire, je remplis le réservoir d’environ 13 l d’essence à l’aide de mon jerrican d’appoint. Après une escale d’une heure, je m’envole pour Montargis. Le soleil est rendez-vous, la luminosité est belle et l’air est encore calme. ♦♦♦ Stéphane Cosme
Photo © Stéphane Cosme
Lien vers la deuxième partie du périple en Quicksilver.