Le rapport final de l’AAIB pour l’accident du Hunter T7 en 2015.
Le 22 août 2015, un Hunter T7 en meeting à Shoreham, Grande-Bretagne, percutait le sol à l’issue d’une figure dans le plan vertical, entraînant la mort de 11 personnes au sol. 13 autres personnes dont le pilote furent blessées. Cet accident dramatique a eu des répercussions outre-Manche au niveau de l’organisation des meetings – sans compter une suppression de tout vol de Hunter en meeting en Grande-Bretagne – mais aussi dans d’autres pays européens.
Le 3 mars dernier, l’Air Accidents investivation Branch (AAIB, équivalent britannique du BEA) a diffusé son dernier rapport. Il est précisé que « l’avion effectuait une figure comprenant des rotations à la fois en tangage et en roulis, débutée à une hauteur plus basse que celle autorisée en voltige pour le pilote, à une vitesse inférieure à celle indiquée comme minimale, et menée avec moins que la puissance totale. Ceci a fait que l’avion n’a pas atteint au sommet de la figure la hauteur minimale exigée pour l’achever en sécurité, car à une vitesse plus faible qu’à la normale ».
« Alors qu’il était possible d’abandonner la figure en sécurité à son apogée, il semble que le pilote n’a pas reconnu la situation, avec un avion trop bas à la moitié de la figure. Une analyse de la performance humaine a identifié plusieurs explications plausibles pour ceci, dont : pas de lecture de l’altimètre suite à la charge de travail, distraction ou limitation visuelle par contraste ou reflet, mauvaise lecture de l’altimètre suite à la présentation de l’indication de hauteur, ou mauvais rappel de la hauteur minimale au sommet de figure ».
Le rapport précise que « l’enquête a montré que la pratique concernant la hauteur minimale à laquelle une figure de voltige peut être attaquée n’est pas toujours appliquée ou imprécise. Il y a la preuve que d’autres pilotes ne vérifient pas toujours ou ne perçoivent pas correctement que la hauteur nécessaire à la figure a bien été atteinte au sommet. L’entraînement et les procédures mises en place le jour de l’accident n’ont pas préparé le pilote à envisager une manoeuvre de sortie ». La figure entamée a été poursuivie jusqu’à l’impact au sol, sans que le pilote ne tente l’éjection.
Rappelant qu’une « présentation en vol effectuée en sécurité repose sur l’entraînement et l’expérience des pilotes, la navigabilité de l’appareil, la préparation et la gestion des risques », l’AAIB indique que « les meetings attirent un grand nombre de spectateurs et qu’ils ont une importance en matière économique et d’éducation ».
On note que « l’appareil semblait fonctionnait normalement, répondant aux actions du pilote jusqu’à l’impact. Des erreurs dans le système altimétrique pourraient avoir entraîné une hauteur plus basse que la hauteur réelle ». L’AAIB rappelle que plusieurs cas ont déjà concerné le type de réacteur avec une baisse de régime non pilotée mais sans pouvoir établir une cause technique. L’enquête n’a pu déterminer si la diminution du régime durant la figure avait été commandée par le pilote.
Le réacteur était sous le coup d’une directive obligatoire, imposant un calendrier de suivi, avec une option pour étendre sa durée de vie. Des propositions pour cette démarche n’avaient pas été approuvées par l’administration. Des actions avaient été menées par l’organisation de maintenance mais elles n’avaient pas été approuvées. Des problèmes ou extensions des limites opérationnelles n’avaient pas été rapportés. Durant les périodes de non activité, le réacteur n’avait pas été conservé selon les procédures approuvées. L’enquête a mis en évidence un diaphragme en mauvais état dans le circuit carburant mais le motoriste a précisé que cela n’avait eu aucune incidence sur le fonctionnement du réacteur.
L’avion avait bien un Permit to Fly (PtF) et son certificat de validité mais il n’était plus en conformité parfaite avec les exigences du PtF. L’enquête a montré que les personnes impliquées « dans la préparation, la conduite et le suivi régulier des vols de démonstration n’avaient pas mis en place un système de gestion de la sécurité pour identifier et gérer les risques. Il n’était pas clair de savoir qui était en charge des risques, qui assurait la sécurité de la démonstration, le public en dehors du site de la manifestation n’étant pas sous le contrôle des organisateurs ».
Le législateur pense que les organisateurs de meetings doivent gérer les risques. Ainsi, l’organisateur croyait que le législateur n’aurait pas donné l’autorisation de présentation s’il n’avait pas été satisfait du niveau de sécurité. Les pilotes croyaient que l’organisateur avait obtenu l’autorisation de survol de zones urbanisées, ce qui était par ailleurs interdit pour ce type d’appareil, et l’organisateur croyait qu’il s’agissait de la responsabilité de l’opérateur ou du pilote d’effectuer la démonstration en respectant les contraintes du site.
Pour l’AAIB, « aucune organisation, ou individu, n’a pris en compte tous les risques associés à la démonstration, ce qui pourrait allait mal, qui pourrait être impacté et ce qu’il aurait été possible de faire pour diminuer les risques pour que ceux-ci deviennent à la fois tolérables et aussi faibles que raisonnablement possible. Des actions visant à protéger le public des risques des démonstrations ont été inefficaces ».
L’enquête a identifié les facteurs menant à l’accident :
– l’avion n’a pas atteint la hauteur suffisante au sommet de sa figure pour achever celle-ci sans impacter le sol suite à une vitesse d’entrée trop faible et une puissance insuffisante dans la partie ascendante de la figure.
– une manoeuvre de sortie de figure n’a pas été réalisé, malgré une hauteur insuffisante en sommet de figure.
Les autres facteurs contributifs sont les suivants :
– le pilote n’a soit pas percçu que la manoeuvre de sortie était nécessaire, soit il n’a pas pensé qu’elle était possible à la vitesse atteinte en sommet de figure.
– le pilote n’avait pas reçu un entraînement formel en Hunter pour abandonner en cours la figure.
– le pilote ne s’était pas entraîné à une telle sortie de figure en Hunter, et il ne connaissait pas la vitesse minimale à partir de laquelle une telle manoeuvre peut être effectuée avec succès.
– une modification de la trajectoire durant la figure a positionné l’avion plus à l’est que prévu le long d’une double voie A27.
– la figure a été effectuée au-dessus d’une zone occupée par le public que les organisateurs du meeting ne pouvaient contrôler.
– la sévérité du bilan a été due à l’absence de prévisions pour limiter les effets d’un accident dans une zone hors de contrôle de l’organisateur.
L’AAIB avait déjà publié trois rapports relatifs à cet accident :
– 4 septembre 2015 : un premier rapport initial, 13 jours après l’accident.
– 21 décembre 2015 : un second rapport concernant notamment la maintenance des sièges éjectables sur les ex-avions militaires et la maintenance des avions ex-militaires, avec 7 recommandations.
– 10 mars 2016 : un rapport prenant en compte la gestion du risque dans les meetings aériens, les hauteurs minimales de présentation et les distances latérales, le contrôle réglementaire et les standards de pilotage. Il comprenait 14 autres recommandations à prendre en compte pour la saison 2016.
Le rapport du 3 mars dernier comprend 11 autres recommandations. Une vidéo (cf. bas de page) a été réalisée, visant à mieux visualiser la figure finale. « Les images ne sont pas une description précise du comportement de l’appareil à tous les stades du vol. La vidéo n’est pas un résumé du rapport final », précise l’AAIB.
La British Air Display Association (BADA), regroupant pilotes et organisateurs de meeting outre-Manche, a diffusé un communiqué saluant les conclusions du rapport de l’AAIB. La BADA note que l’AAIB n’a pas trouvé de « facteurs contributifs de l’accident ni dans la maintenance ni dans l’organisation du meeting ». Elle précise que « les facteurs humains ont joué un rôle considérable dans cet accident tragique » et que l’organisation avait suivi les directives de la CAA en application à l’époque.
La BADA rappelle que l’expérience et l’amélioration de la sécurité s’est faite durant ces 60 dernières années, avec une activité servant de catalyseur à de nombreux jeunes pour des carrières aéronautiques et militaires, participant à l’économie locale, avec « environ 6 millons de spectateurs de meetings aériens chaque année en Grande-Bretagne ». ♦♦♦