Quarante ans après le Brevet de base (BB), licence franco-française, voici l’Autorisation de base LAPL (ABL), « autorisation » franco-française permise par… le système européen.
Avant l’arrivée du système européen, en France, deux brevets étaient proposés : le Brevet de base (BB) et le TT, ce dernier étant devenu le PPL(A) avec des modalités d’obtention et de prorogation différentes. Au début de la genèse du système FCL (Flight Crew Licensing), comprenant un LAPL(A) – minimum 35 heures de formation et une licence uniquement européenne – et un PPL(A) – minimum 45 heures de formation et une licence reconnue internationalement – il était prévu un LAPL Basic, peu différent du BB français.
Mais dès les premières réunions à 20 et quelques pays, ce LAPL Basic a été tué dans l’oeuf par la majorité des pays au grand désarroi de la France où l’on comptait jusqu’à 1.000 BB délivrés chaque année, première marche vers un brevet de pilote privé. Passant des JAA à l’EASA (créée en 2003), le projet réglementaire a fait son chemin avec des hauts et des bas durant deux décennies, avec le projet de l’EASA d’imposer dans un premier temps l’ATO (Approved Training Organisation) pour tous avant que l’IAOPA-Europe ne renvoie le dossier dans les tiroirs, imposant à l’Agence européenne de proposer, après trois ans de gestation additionnelle, de proposer le statut de DTO (Declared Training Organisation) mieux adapté aux aéro-clubs.
Durant toutes ces années, l’EASA n’a pas souhaité la création d’autres licences de pilote, autres que les LAPL(A) et PPL(A), refusant différents concepts de LAPL modulaire. Mais dans la dernière ligne droite, soit les derniers mois de l’année 2019 – information alors évoquée sur aeroVFR.com – l’Agence de Cologne est soudainement revenue sur ses idées fixes, à la grande surprise des fédérations françaises concernées (avion, hélicoptère, planeur) qui avaient déjà jeté l’éponge… Subitement, sans prévenir, l’Agence acceptait une licence intermédiaire à définir par chaque pays… Un revirement à 180° de l’EASA qui laisse perplexe après tant d’années de refus du concept.
Ainsi est née en France, pour l’avion, l’Autorisation de base LAPL (ABL), une copie peu différente du Brevet de base créé en 1981 dans le sillage du rapport du sénateur Bernard Parmantier après l’analyse de l’état de l’aviation légère en France. Ainsi, près de 40 ans après le BB, l’ABL va prendre la suite, 20 ans après le début de la genèse du système européen de licence ! Tout cela pour ça !
Sans autre pays européen à convaincre, FFA et DSAC se sont entendues sur le contenu de cette autorisation franco-française. L’arrêté du 19 mai 2020 – publié au Journal officiel ce 30 mai – est ainsi « relatif à l’autorisation de vol solo sans supervision (ABL – autorisation de base LAPL) accordée aux élèves pilotes qui suivent une formation de pilote d’aéronef léger (LAPL), préalablement à la délivrance d’une licence de pilote LAPL pour avions LAPL(A) ».
Comme son nom l’indique, cette ABL, accordée ou non par le responsable pédagogique de l’ATO/DTO – chaque structure de formation a le choix de délivrer ou non des ABL – ne concerne que les élèves suivant une formation au LAPL (et non pas au PPL), étant titulaire d’au moins 6 heures de vol en instruction avec un FI(A) et ayant enregistré au moins 20 atterrissages en solo supervisé. C’est une « autorisation » et non pas une « qualification », ce n’est donc pas un « titre » OACI. L’ABL, à insérer dans le carnet de vol du titulaire, n’est pas délivrée par l’Autorité mais l’ATO/DTO qui doit en garder trace.
Le candidat doit disposer d’une visite médicale LAPL au minimum. Pour la théorie, il lui faudra être titulaire du Brevet d’initiation aéronautique ou BIA (de moins de 36 mois) ou du PPL(A) théorique (de moins de 24 mois) ou du LAPL(A) théorique (de moins de 24 mois) ou encore du Brevet de Base théorique (de moins de 24 mois) pour ceux qui l’auront passé avant sa disparition effective au 8 avril dernier.
Un pilote sous autorisation ABL pourra voler en local en tant que commandant de bord, sans supervision d’un instructeur FI(A). Par « vol local », il faut comprendre un rayon de 25 nautiques au maximum à partir du terrain de départ, comprenant éventuellement l’accès aux aérodromes implantés dans ce cercle de 25 nm de rayon sous certaines conditions. L’appareil doit être un monomoteur à pistons (SEP/TMG de moins de 2.000 kg soit ELA2) utilisé durant la formation et forcément immatriculé en France. Le vol se fait sans passagers à bord dans un premier temps. L’ABL étant une « autorisation » franco-française, elle n’est valable qu’en France et reste liée à l’ATO/DTO (et donc son aérodrome de base) qui l’a délivrée. Le responsable pédagogique qui l’a délivrée peut ainsi la suspendre si besoin.
Le responsable pédagogique peut également en étendre le périmètre en ajoutant les autres aérodromes accessibles (dans les 25 nm du terrain de départ) et/ou l’emport de 3 passagers au maximum (toujours dans un rayon de 25 nm autour de l’aérodrome de base). Pour l’emport pax, cela ne pourra se faire qu’après avoir effectué 10 heures de vol en tant que commandant de bord et « avoir suivi une sensibilisation à l’emport de passagers ». Les vols avec passagers à bord, sans rémunération, doivent se faire de A à A, donc sans escale extérieure. La validité de l’ABL se fait en « mode glissant » avec les exigences du LAPL en matière d’expérience récente. Si le pilote part voler dans un autre club, dans une autre région, il lui faudra obtenir une nouvelle ABL.
Si l’on peut distinguer quelques différences entre BB et ABL, elles demeurent mineures. Un Breveté de base était limité à 30 km autour de son terrain et non pas 25 nautiques (46 km) mais il pouvait décrocher le BB à 15 ans alors que l’ABL ne peut être accordée qu’à 16 ans révolus. La délivrance par le DTO/ATO permet d’éviter la redevance pour délivrance d’un titre. Des autorisations additionnnelles accompagnaient le BB comme l’emport de passagers après 20 heures depuis l’obtenition du BB, des extensions jusqu’à 100 km sur des axes reconnus au préalable avec un instructeur, voire l’aptitude à voltiger ou à remorquer des planeurs après une formation complémentaire.
On notera qu’un candidat au PPL(A) ne peut bénéficier d’une ABL lui permettant d’être autonome (pas besoin de la signature d’un FI(A) pour tout vol solo après un seuil de vols solos effectués sous supervision) même avec les prérequis nécessaires à l’ABL (théorique et vols solos supervisés) sauf à débuter une formation LAPL pour éventuellement bénéficier d’une ABL (selon son ATO/DTO) avant d’utiliser la « passerelle » lui permettant d’acquérir ensuite le PPL(A).
A noter que le vol à voile va bénéficier d’un système très similaire, sous le nom de PASS (Planeur autorisation sans supervision), permettant au candidat à la SPL (l’équivalent vélivole du PPL car le LAPL(S) n’existe désormais plus depuis le 8 avril dernier…) de pouvoir voler en autonome autour de son aérodrome (le local en planeur est limité à 30 km de rayon), soit dans les faits l’équivalent de l’ancien BPP (Brevet de pilote de planeur). Pour obtenir la SPL complète, il lui faudra suivre une formation au vol sur la campagne. Qu’il s’agisse de l’ABL ou du PASS, leur limite de validité n’est pas fixée dans le temps, même si pour les fédérations, il s’agit d’un « point d’étape » vers la licence complète. Par contre, au-delà de 2 ans, si le candidat souhaite passer au LAPL ou à la SPL, il lui faudra (re)passer le théorique LAPL et SPL dont les validités demeurent de 24 mois, et dans tous les cas s’il n’a que le BIA. ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com
Lien vers l’arrêté du 19 mai 2020 relatif à l’ABL