Bilan 2022 pour le RTBA et les intrusions notamment de trafics VFR.
En 2021, la Direction de la circulation aérienne militaire (Dircam), dans un bilan mis en ligne sur son site, avait enregistré 21 événements concernant le Réseau très basse altitude (RTBA) dont 13 pour la Circulation Aviation générale (CAG) en VFR.
Pour rappel, le RTBA est un « ensemble de zones réglementées (utilisées par les aéronefs de la défense) reliées entre elles, à l’intérieur desquelles sont définis des itinéraires spécifiques, destinés aux vols d’entraînement à très basse altitude et très grande vitesse, utilisant des systèmes autonomes de navigation et où le pilote n’assure pas la prévention des abordages vis-à-vis des autres aéronefs ». Aussi, le contournement de ces zones est obligatoire pendant les périodes d’activités.
En avril dernier, un nouveau rapport portant sur 2022 a été diffusé. On y lit que l’activité programmée du RTBA l’an passé a connu une hausse de 19% par rapport à 2021, avec un « nombre d’événements notifiés à un niveau jamais enregistré ». Ceci est dû en partie à une meilleure notification. Dans certains cas, l’intervention du contrôleur militaire a permis un évitement grâce à une acquisition visuelle ou radar de « l’intrus » mais ceci, dans 30% des cas seulement. 50% des événements ont été « impuissamment suivis par le contrôleur, faute de moyens radios performants ».
Trois intrusions (20%) n’ont pas été détectées par manque d’acquisition radar. Dix pénétrations ont fait l’objet d’une action POLAR ou de rappels pédagogiques. Ces (quasi)intrusions ont eu « des conséquences à la fois en termes de sécurité (manoeuvres d’évitement, attention des équipages et du contrôleur portée sur la gestion du trafic), mais aussi en termes d’intérêt opérationnel de la mission ».
Pour les événements impliquant au moins un trafic VFR, 14 intrusions avérées ont été relevées, 6 dont l’analyse a déterminé qu’il n’y avait pas eu d’intrusion réelle mais dont le rapprochement a cependant nécessité une action de la part du contrôleur « dans le doute », sans compter 5 intrusions avérées dans une zone active mais sans chasseur à proximité. On note, dans les cas relevés, des événements liés à des hélicoptères en mission SAMU. On relève aussi le cas d’une montgolfière à 400 ft/sol, sous le plancher du RTBA, avec le passage des chasseurs de part et d’autre entre 100 et 200 ft avec un espacement horizontal de 1,5 km, quand la montgolfière est remontée dans le RTBA.
Sur 19 intrusions réelles (66% du total), « le manque d’information dans les analyses ne permet pas de déterminer la cause de 6 d’entre elles, mais on peut considérer qu’il y a un lien avec la méconnaissance de l’espace aérien. Pour les événements dont la cause est connue, deux occurrences concernent une pénétration volontaire en raison des conditions météorologiques et pour deux autres, le pilote VFR pensait être en dehors des zones. A ces quatre événements s’en rajoutent neuf autres caractérisés par un manque de préparation du vol ».
Les contrôleurs assurant la surveillance du RTBA peuvent être confrontés au problème suivant : ne pas pouvoir contacter les pilotes militaires, ces derniers n’étant pas conscients de la situation, ceci faute d’une couverture radio (système Meteor aux capacités jugées « vieillissantes ») ou radar optimale. D’où l’interrogation de la Dircam sur « la pertinence de maintenir ou non la mission », avec la possibilité de mettre en oeuvre un catalogue de missions s’adaptant aux conditions du jour (panne, maintenance de la couverture radio et radar).
La cartographie des événements en 2022 indique clairement un « hot spot » pour l’est de la métropole (photo d’ouverture), « zone où la majorité des activités RTBA est réalisée ». Ceci concerne le RTBA avant la mise en oeuvre en avril 2023 du RTBA NG (Nouvelle Génération), avec élargissement de certaines zones et surtout un plafond pouvant être nettement relevé (FL065, FL085…). Ceci est imposé par l’échappée possible dans le plan vertical des Rafale en cas de panne du système de suivi de terrain… Certains tronçons pouvant aller jusqu’au sol et monter jusqu’à un niveau de vol élevé, cela peut constituer un mur à contourner latéralement… De plus, la dénomination BA (basse altitude) du réseau n’est plus adaptée à la réalité…
Cas réel : le contrôleur juge qu’un avion léger sous transpondeur mode C pénètre la R45 S7 à une altitude estimée à 3.600 ft, le chasseur étant alors à une altitude estimée de 3.400 ft. Le croisement minimum est estimé à 200 ft verticalement et 8 nm horizontalement. La sécurité n’a pas été engagée. Après analyse des restitutions radar avec ajustements des hauteurs sol liés au QNH et au relief, l’avion n’était géographiquement pas dans la zone mais le contrôleur militaire n’a pas la possibilité de visualiser sur son écran radar la hauteur des points caractéristiques.
Si l’activité réelle du réseau RTBA (et les zones réglementées) est consultable sur le site du SIA et/ou sur Sofia Briefing, il ne faut pas oublier d’afficher en vol le QNH délivré par le Service d’information en vol (SIV) local si l’on doit transiter au-dessous (généralement sous 800 ft/sol) ou au-dessus du RTBA. Il y a tout intérêt à prendre des marges dans le plan vertical (en notant que ces marges restent faibles pour passer entre 500 et 800 ft/sol…) et éviter des trajectoires proches en convergence ou parallèles au RTBA vue l’imprécision des radars civils et militaires. Un cas cité précise qu’à… 73 ft près, il n’a pas été possible de déterminer si des trafics étaient à l’intérieur ou juste au-dessus du RTBA et quand on connaît la précision d’un altimètre…
Cas réel : une patrouille évolue dans la R45 S7 mais un ULM devient conflictuel, étant à la même altitude estimée. Le contrôleur prévient les pilotes militaires, mais sans réponse de leur part. Le leader passe à 5 nm du trafic mais l’ailier se rapproche toujours sans annonce de visuel ou de contact radar. Après diffusion continue de la part du contrôleur, l’ailier monte franchement puis acquiert le visuel. Le croisement a été effectué avec des écarts de 575 ft et 0,55 nm… Le pilote de l’ULM pensait transiter en dessous de la zone et connaissait l’activation de la zone via le SIV. Mais aucune information ne lui a été faite car les trafics militaires ne sont pas visibles par le SIV, ce dernier n’ayant pas non plus la possibilité de déterminer si l’ULM était ou non dans la zone. Le QNH élevé ce jour-là (1.030 hPa) a induit une erreur de calcul d’altimétrie conduisant à la pénétration de la zone.
On note que les avions d’armes ont toute latitude pour survoler le territoire… et qu’il est recommandé d’éviter la tranche 0/1.500 ft sol en semaine. Mais un exemple évoqué par le rapport de la Dircam est à mentionner. Ainsi, le contrôleur militaire est informé que deux patrouilles de deux chasseurs vont quitter Nancy en basse altitude en utilisant des « portions du RTBA ». Il vérifie l’activité Basse altitude du jour qui ne mentionne pas de créneau pour ces patrouilles même si de nombreuses zones sont actives au profit de leur escadron. Il s’attend à un trajet au plus court vers une zone active. Après le décollage, le contrôleur constate de nombreuses sorties du RTBA sans pouvoir entrer en contact radio. Les patrouilles ont ainsi « procédé à l’exécution d’une mission RTBA en dehors de tout cadre réglementaire » (briefing, utilisation de l’itinéraire, réservation d’un créneau). Les pilotes ont justifié cette violation car sinon, cela ne répondait pas « pleinement aux besoins d’entraînement » avec des « sorties du réseau pour simuler une frappe coordonnée de missiles de croisière » et une « action coordonnée entre les deux patrouilles face à une menace ».
Cas réel : bien que sous la limite basse du RTBA, un aéronef en CAG VFR est croisé par deux Rafale avec 2,3 nm d’écart horizontal et 100 ft d’écart vertical, sans visuel malgré les annonces du contrôleur militaire. Celles-ci ne seront jamais perçues par les chasseurs avant qu’elles ne soient relayées par un autre chasseur alors au FL 105 et seul à entendre les messages du contrôleur. ♦♦♦
Rapport 2022 de la Dircam sur le RTBA à télécharger le lien ci-dessous
RTBA2022