L’étude a porté sur les moteurs Lycoming et Rotax.
Le Bureau d’Enquêtes et d’Analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA) publie de temps en temps des « études de sécurité » portant sur un thème donné. On peut ainsi citer « Diminution de la puissance du moteur au décollage », « Objectif destination », « Abordages 1989-1999 » ou encore « Pannes d’essence en aviation générale » et « Maîtrise technique lors de l’atterrissage et connaissance de soi. Analyse de sorties de piste en 2006 en aviation générale ».
La dernière en date (décembre 2023) porte sur le « Givrage du dispositif d’admission d’air des moteurs à pistons ». Etude qui arrive donc à point pour la saison hivernale… Le BEA note que « le givrage du dispositif d’admission d’air des moteurs à pistons est parfois évoqué en conclusion des enquêtes de sécurité comme origine d’une diminution de la puissance du moteur, avérée ou possible. En particulier lorsqu’aucune autre hypothèse n’est envisagée. En raison de sa nature, la constatation d’un tel phénomène par les enquêteurs ou l’identification d’indices physiques sur l’épave sont rares. Les réflexions du BEA sur ce sujet dans le cadre d’une enquête de sécurité l’ont incité à conduire cette étude ».
Deux documents (format pdf) sont proposés à la lecture. Le premier est le compte-rendu de l’étude technique, soit… 243 pages. Le second (21 pages) est la « synthèse de l’étude ».
Le givrage carburateur sur moteur à pistons est souvent évoqué dans les rapports d’enquête comme cause ou facteur contributif à l’évènement. Ce peut être le cas après les symptômes connus de perte progressive de puissance que la poussée en avant de la manette des gaz ne permet pas de récupérer. Le carburateur est en train de givrer et il faut rapidement appliquer le réchauffage carburateur (Lycoming, Continental) à 100% pour dégivrer le claplet du carburateur avant qu’il ne soit trop tard.
La fonte du givre peut alors entraîner des à-coups du moteur qui doit absorber de l’eau mais c’est la seule solution pour retrouver une situation normale… Parfois, le givrage a été rapide, le moteur s’est étouffé et il ne sera généralement pas possible de redémarrer. Une fois posé dans un champ, à température plus élevée près du sol, le moteur consentira à redémarrer sans problème, le givre ayant disparu… Ainsi « en raison de la nature du phénomène, sa constatation par les enquêteurs du BEA sur l’épave ou l’identification d’indice physique sont très peu probables ».
Le BEA indique que le givrage est mentionné « en particulier lorsqu’aucune autre hypothèse n’est envisagée. Durant les enquêtes de sécurité, lorsque les données du moteur ne sont pas enregistrées et que les accidents sont mortels, ce phénomène est étudié et analysé essentiellement au travers des conditions météo et de leur report dans le diagramme » connu de tous et qui existe sous plusieurs formes selon la source.
Le BEA rappelle que ce « diagramme utilisé par les enquêteurs indique, en fonction de la température de l’air et du point de rosée, la probabilité du phénomène de givrage et sa sévérité » mais s’il « est présenté dans une publication de l’EASA dédiée au phénomène et rappelé dans les divers ouvrages de formation des pilotes », dans toutes ces publications, « l’origine de ce diagramme et les données ayant permis sa construction ne sont pas précisées. Cette présentation tend à considérer ce diagramme comme une « loi universelle », s’appliquant à toutes les installations motrices existantes ». Or, « la simple utilisation des conditions météo et de ce diagramme ne semble pas répondre aux besoins d’une démarche d’enquête rigoureuse où les conclusions hâtives doivent être proscrites ».
D’où le travail d’étude mené sur ce sujet, destinée « à tenter d’étudier plus finement la probabilité d’un phénomène de givrage durant le vol de l’événement, en prenant en compte les spécificités du système propulsif considéré ». L’étude a compté trois parties :
– « une recherche bibliographique portant sur les informations disponibles auprès des diverses Autorités, des constructeurs et des sites scientifiques,
– une campagne d’essais sur une installation motrice équipée d’un moteur Lycoming,
– des séries de mesures sur des aéronefs équipés de moteurs Rotax, complétées par des
mesures sur un moteur de même type installé au banc d’essais ».
Ainsi, des essais ont été menés en soufflerie avec une installation motrice issue d’un TB-10 Tobago ainsi que des mesures effectuées sur des ULM équipés de Rotax (3-axes et autogires) et avec un Rotax monté sur banc d’essais. En conclusion, le BEA précise les principaux enseignements tirés de cette étude :
– « l’apparition d’un givrage du carburateur n’est observée que dans de très rares cas, correspondant à des conditions atmosphériques extrêmes.
– les diagrammes disponibles sont difficilement applicables en l’état pour émettre une hypothèse de givrage du carburateur.
– dans la pratique pour les installations motrices récentes, le risque de givrage est généralement nettement moindre que tel qu’il est présenté sur les diagrammes habituellement utilisés au sein de la communauté aéronautique.
– la manière dont le moteur est installé sur l’avion influe grandement sur la possibilité d’apparition du phénomène, car elle agit sur la température et l’humidité du flux d’air dans le carburateur et sur la température du corps du carburateur ».
Et donc, « lors d’une démarche d’enquête, la seule confrontation des données météorologiques avec les diagrammes proposés par les autorités aéronautiques ne peut suffire à valider l’hypothèse d’un givrage de carburateur ». ♦♦♦
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