Ouverture intempestive de la porte, de la verrière ou du coffre à bagages…
aeroVFR publie cet été une série d’articles concernant le traitement des urgences. Il s’agit d’une synthèse de différents documents issus d’expériences vécues par des pilotes, de Rex
ou de rapports d’incidents et/ou d’accidents diffusés par le BEA. Plusieurs situations d’urgence seront ainsi passées en revue de manière générale ou générique, avec les règles de base.
Il va de soi que les procédures préconisées par le manuel de vol de votre aéronef seront celles à appliquer en priorité.
Quelques rapports du BEA ou des Rex abordent ce type de situation. Ce peut-être la porte du coffre à bagages, dont l’accès se fait par l’extérieur (exemples : DR-400/180, DR-500/200,
PA-28), qui a été mal fermée après embarquement des bagages. Si le coffre de l’aéronef ferme à clé, il est recommandé de le fermer ainsi. Si ce n’est pas le cas, il n’est pas interdit de taper du poing sur la porte du coffre pour voir si elle ne s’ouvre pas sous de telles actions, comparables aux soubresauts de l’appareil au décollage sur piste moyennement préparée ou sous l’action de turbulences en vol…
Dans le meilleur des cas, la porte du coffre va rester ouverte, ou va battre sous le vent relatif, générant un bruit aérodynamique et peut-être un peu de buffeting ressenti au niveau du manche suite aux écoulements aérodynamiques perturbés sur l’empennage horizontal.
Au pire, la porte sera arrachée et, sans urgence, il est alors possible de revenir se poser comme si de rien n’était…
Ce peut-être aussi la porte d’accès à bord qui, peu après la rotation, en montée initiale, s’est entre-baillée. Le cas s’est déjà rencontré à de multiples reprises, par exemple sur des Piper
PA-28 dont le verrouillage de l’unique porte latérale droite se fait en deux temps. Le premier consiste à claquer la porte et la fermer de l’intérieur. Le second temps impose de la verrouiller par une manette placée au plafond. Soit ce dernier verrouillage n’a pas été assuré correctement, soit le système est endommagé par usure. La porte va donc bailler sous la dépression aérodynamique exercée sur le flanc de l’appareil. Elle ne s’ouvrira pas beaucoup sous l’effet du vent relatif la replaquant sur le fuselage.
Là encore, il n’y a pas d’urgence. C’est déroutant, c’est bruyant mais il n’y aucune action à faire dans l’immédiat. La priorité est de surtout bien contrôler la trajectoire de l’appareil. Il faut s’interdire de vouloir verrouiller la porte alors que l’on se trouve en phase critique, en montée initiale, à proximité du sol. Plus haut, il sera peut-être possible de la verrouiller ou, mieux, d’effectuer un tour de piste standard pour venir se reposer et, tranquillement, au sol, verrouiller la porte après avoir vérifié que le système est bien opérationnel. Durant le vol, le bruit en cabine sera accru. Il sera nécessaire de rassurer le ou les passagers – non, la porte ne va pas s’arracher. S’il est possible de la tenir pour lui éviter de battre, c’est mieux sinon, en vol solo, le pilote a d’autres choses à faire…
Dans le cas d’une verrière basculant dans l’axe du fuselage et sans partie fixe du pare-brise, les risques sont accrus et plusieurs comptes-rendus d’accident en attestent avec parfois une perte de contrôle. Surtout si l’ouverture de la verrière se fait vers l’arrière (exemples : Jodel
D-18, Fournier RF-6B) car si elle n’a pas été correctement verrouillée avant le décollage, il est évident que la verrière sera arrachée sous l’effet du vent relatif, risquant d’aller endommager les empennages. Si l’appareil reste contrôlable après la disparition de la verrière, comme pour toute autre urgence, la priorité demeure de piloter, pour contrôler la trajectoire. Dans ces conditions un tour de piste pour se reposer, éventuellement basse hauteur pour réduire le temps de vol, s’impose pour revenir au sol mais sans précipitation car nombreux sont les rapports du BEA où une panne mineure se transforme en dommages majeurs car le pilote a
baclé son tour de piste sous le stress avant de sortir de piste suite à une vitesse excessive
en finale…
A titre d’exemple réel, il faut rappeler que dans le projet de certifier le Robin série HR-200/
R-2000 au Canada, les autorités nord-américaines avaient demandé au constructeur dijonnais de justifier que l’appareil restait encore pilotable sans la verrière d’une seule pièce, coulissant vers l’avant (type DR-400). Pour réaliser cet essai, il aurait fallu imaginer un système d’éjection de la verrière en vol, avec l’assurance de ne pas impacter les empennages, solution technique coûteuse et difficile à mettre en oeuvre. Aussi, un matin, après dépose au sol de la verrière de l’appareil, le pilote d’essais « maison », Daniel Müller, effectua un tour de piste sans verrière, justifiant en pratique la démonstration souhaitée par les autorités de certification outre-Atlantique, à savoir l’avion était contrôlable du décollage à l’atterrissage sans verrière…
Dans le cas de verrières articulées dans l’axe du fuselage mais s’ouvrant vers l’avant, l’issue d’un mauvais verrouillage de la verrière est souvent moins critique. A l’accélération sur la piste, le vent relatif a toutes les chances de la maintenir en place mais c’est à la rotation ou lors de la montée initiale que la dépression au-dessus de la verrière va entraîner son baillement ou des mouvements alternatifs dans le plan vertical, car elle sera à la fois aspirée vers le haut par la dépression aérodynamique et aussitôt replaquée par la pression du vent relatif.
Même cause, même effets (buffeting possible, bruit aérodynamique en cabine, etc.) mais la verrière a peu de probabilité de quitter la cellule. La procédure à appliquer consiste une fois de plus à maintenir en priorité le contrôle de l’appareil, donc à piloter et à laisser de côté l’ouverture intempestive de la verrière durant la phase critique de décollage et de montée initiale. Plus haut, il sera peut-être possible de la verrouiller correctement ou de réaliser un tour de piste standard pour venir se reposer. Par mesure de sécurité, une vitesse d’approche un peu plus élevée peut être retenue si le battement vertical de la verrière entraîne quelques turbulences pouvant affecter l’efficacité de la profondeur…
Pour les appareils à porte articulée latéralement ou type « papillon » (DA-40, TB-9 à 20), la porte ira sans doute en butée d’ouverture. Pour diminuer les efforts, une limitation de la vitesse affichée peut réduire les risques d’arrachement mais la priorité demeure une fois de plus de piloter avant tout. En équipage à deux, sur un TB, il est arrivé que l’élève retienne la porte tandis que l’instructeur reposait l’appareil. Selon l’angle de « calage » la porte, il peut être impossible sur certains modèles de la refermer en vol. Une légère action en tangage vers l’avant (g négatif) pourrait éventuellement la replaquer…
Les accidents survenus à l’issue d’un problème de verrière sont généralement dus à la précipitation, cette situation anormale étant considérée comme nécessitant une réaction
très rapide ce qui n’est pas le cas, d’où un retour au sol en oubliant de ressortir le train d’atterrissage ou avec une vitesse excessive entraînant une sortie de piste longitudinale à l’issue de l’atterrissage… Si après l’ouverture de la porte ou de la verrière, l’avion est toujours contrôlable, il le restera encore suffisamment de temps pour réaliser un tour de piste standard, en reprenant ses esprits, en prenant son temps pour ne pas ajouter une seconde erreur due à une précipation non justifiée.
Dans l’urgence, il faut savoir prendre son temps… ♦♦♦
Pour aller plus loin : quelques rapports du BEA relatifs à une ouverture intempestive de porte ou de verrière.
PorteTB20a
PorteTB20b
PorteBonanza
PorteBaron
VerriereWT9