Hélas, les dysfonctionnements du premier confinement n’ont pas été tirés pour application lors du second.
Le 28 octobre 2020, le gouvernement décidait d’un nouveau confinement lié à la pandémie de la Covid-19 à compter du 30 octobre et, au moins, jusqu’au 1er décembre minimum. Le lendemain, 29 octobre, le décret N°2020-1310 publié sur le site Légifrance avait pour objectif de préciser les déplacements autorisés.
Comme pour le premier confinement en mars dernier, les « consignes » spécifiques à l’aviation générales étaient absentes sans que la DGAC/DSAC n’apporte le moindre complément d’information les jours suivants, se limitant juste à changer la date de l’introduction de la page relative aux qualifications du personnel navigant (privé et professionnel), tout en laissant les liens vers les documents relatifs aux dérogations issues du… premier confinement, dérogations toujours en cours mais qui seront insuffisantes au niveau de leur durée de validité suite au second confinement. Ainsi, après « l’actualisation » au 5 novembre, cette page est désormais datée du 10 novembre, sans que son contenu n’ait évolué !
A lire l’attestation de déplacement émise pour le confinement en cours, tout pilote étant avant tout citoyen, les déplacements ne peuvent se faire que dans un cadre professionnel hormis quelques situations indiquées. Pour le cadre privé, les déplacements sont limités, notamment pour le « loisir » à un rayon de 1 km autour de son domicile, durant 1 heure chaque jour, pour des « déplacements brefs ».
Mais le décret précise aussi que les déplacements sont possibles dans le cadre d’examens… Aussi, sur cette base, le 5 novembre, la FFVP diffusait à ses licenciés un communiqué de son bureau directeur, indiquant que ce dernier avait étudié la dernière publication de la DGAC sur son site, évoquée ci-dessus et qu’en conséquence, le bureau directeur retenait que « concernant nos clubs affiliés, (…) seuls les examens théoriques et pratiques tenus dans les aéro-clubs et les déplacements qu’ils impliquent sont autorisés ».
Cette affirmation, se justifiant à la simple lecture de l’arrêté, n’a pas été remise en cause à ce jour, ni par la FFVP ni par la DGAC/DSAC. Sur son site, le 4 novembre, la FFA indiquait également le lien vers la page du site de la DGAC en annonçant « quelques précisions de la DGAC qui font encore l’objet d’arbitrages suite à nos demandes », la FFA espérant que « ces arbitrages seront connus avant le week-end » (des 7 et 8 novembre). Aucune autre information n’a été communiquée depuis.
Côté FFPLUM, sur son site ce 4 novembre, la fédération ulmiste mettait le décret en lien, rappelait les activités et déplacements autorisés – dont les examens – tout en attirant l’attention « de s’assurer de la compatibilité de son vol avec les mesures complémentaires qui pourraient être entreprises par les préfets ». La FFPLUM indiquait que « ces éléments seront adaptés en fonction des discussions en cours sur les modalités de mise en oeuvre du décret ».
Dans un éditorial intitulé « Un reconfinement plus compliqué et plus incertain », son président rappelait quelques principes :
– « La situation sanitaire s’impose à tous et nous devons avant tout faire appel à la responsabilité individuelle. Il suffit souvent de lire les motifs de déplacement dérogatoire pour comprendre dans quelle situation chacun se trouve et il y a plein de cas différents.
– Les vols ne sont pas interdits, de même que la voiture ou le vélo ne sont pas interdits.
– Ce sont les conditions de déplacement contraintes qui limitent considérablement le brassage et donc la possibilité de se déplacer.
– Contrairement au premier confinement, le reconfinement a laissé une large possibilité pour se déplacer dans le cadre du travail d’une part et de la formation d’autre part.
– Les effets de ce reconfinement sur la population générale semblent beaucoup moins visibles qu’au mois de mars et d’une certaine manière beaucoup moins contrôlables.
– Il faut s’attendre à ce que cette situation dure et qu’elle évolue de manière encore plus contraignante sur certains aspects avec un aller-retour permanent entre confinement et déconfinement avant l’apparition d’un vaccin ».
Et d’indiquer que « nous avons choisi (enseignement du premier confinement) de toujours adopter une position commune avec les fédérations du CNFAS. Ce qui est valable pour l’avion, le planeur l’est aussi pour les ULM et nous ne devons pas créer de biais juridique entre nos pratiques ».
« L’application juridique du décret donne lieu à une multitude d’incohérences dans la pratique dont on a bien vu les effets dans le cadre des librairies. Les textes concernant le transport aérien n’ont pas été pensés dans le détail de leur application pour nos pratiques et chaque arbitrage remonte à un niveau intergouvernemental qui laisse parfois songeur sur le fonctionnement de nos institutions. Tous ceux qui prétendent faire une lecture simple des textes actuels courent le risque soit d’une interprétation contestable soit d’une interprétation excessivement restrictive ».
« Le CNFAS (Ndlr : Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives) a clairement demandé que la priorité soit donnée à la maintenance, à la sécurité et à la formation et nous sommes en attente de clarification sur ce point. Le point économique de l’aviation non commerciale est bien entendu marginal par rapport aux enjeux actuels. Il est en revanche absolument nécessaire de maintenir un niveau de qualité concernant la maintenance et la formation, surtout si la situation est conduite à perdurer ».
Le tout suivi d’un tableau tentant de récapituler les pratiques autorisées, celles interdites et les points à clarifier avec l’administration.
On en est donc là, plus de 10 jours après le début du confinement !
La lecture de l’arrêté stipule que les examens sont autorisés. Nulle part il est écrit qu’il doit s’agir d’examens ayant impérativement un objectif « professionnel ». Le nombre de candidats prêts pour passer directement – puisque la formation n’est pas autorisée – un test pratique en vol ne doit pas être phénoménal. Cela reste infinitésimal et cela ne mérite sans doute pas de tergiverser mais sur le principe, la communication gouvernementale est inadaptée, car incomplète ou plutôt sujette à interprétation.
La FFVP a indiqué que les examens théoriques (le théorique vélivole ne se passe en ligne que… dans les clubs de vol à voile, et à la carte !) et pratiques étaient autorisés. Un test pratique impose au moins un pilote remorqueur, un assistant en bout d’aile lors du décollage, un candidat et un examinateur, soit 4 personnes. Un test PPL avion, déjà autorisé par la DGAC/DSAC, pourrait-il être interdit alors qu’il n’impose la présence que de 2 personnes, le candidat et le testeur, alors qu’il serait autorisé pour le planeur ? Décision discriminatoire…
Pourrait-il en être autrement quand on note que les auto-écoles sont fermées mais que les candidats inscrits peuvent passer l’examen du permis de conduire. Ces examens visant la conduite d’un véhicule léger ne concernent en effet que des candidats privés et non pas « professionnels ». Les risques sont-ils plus élevés en voiture qu’en avion ? Juridiquement, l’interdiction d’un examen aéronautique ne pourrait se défendre très longtemps dans un tribunal face à un examen automobile autorisé par la même administration et au même moment.
Le gouvernement souhaite bloquer le moins possible l’activité économique mais dans le cas de l’aviation générale, l’interdiction des vols de convoyage vers un atelier de maintenance pour un entretien courant ou une visite technique plus importante et déjà programmée relève de l’incohérence du discours, avec une mise forcée au chomage des structures professionnelles que sont les ateliers de maintenance…
On en est donc bien là… dans une incohérence et un flou déjà rencontrés lors du premier confinement (c’était alors une première… mais les leçons n’ont visiblement pas été suffisamment tirées pour la seconde édition), une situation qu’une information claire devrait préciser en quelques jours. La DSAC a mis en place il y a plus d’un an un « canal d’information » entre elle et les unités de formation (DTO et ATO). Ce système baptisé Météor reste depuis des mois d’un silence olympien – sauf à diffuser les remerciements du directeur de la DSAC à son personnel lors du premier confinement – alors qu’il devrait être utilisé pour informer méthodiquement et largement tout le milieu de la formation aéronautique.
Et c’est là que, amplifiés par la désorganisation gouvernementale, l’on constate les blocages du mode de fonctionnement administratif où les questions doivent se perdre dans les étages interdisant un retour des réponses vers les utilisateurs, faute de prise de décision, quand l’attentisme est de mise… Quand on apprend que le ministre de la Santé a précisé ce 4 novembre, lors d’une audition par les députés de la « Mission d’information sur la gestion de la crise du Covid », qu’il n’a pas reçu un rapport, pourtant commandé par l’Etat sur la gestion par l’Etat de la première vague de la Covid-19, et dont les bonnes pages ont été diffusées dans la presse depuis juin dernier, on peut parler d’amateurisme à un niveau nettement plus critique pour le pays. Toutes proportions gardées, on imagine bien des phénomènes analogues lors de la débâcle de 1940 !
Mais avec le second vote de l’Assemblée nationale le 4 novembre sur le projet de loi autorisant la « prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire » – désormais repoussée au 16 février 2021 – il y a assurément le temps de la réflexion… car ce projet de loi « permet d’appliquer des mesures de restrictions de circulation, de rassemblements et d’ouvertures des établissements, mais aussi de confiner la population ». ♦♦♦