Le Bureau d’Enquêtes et d’Analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA) a récemment diffusé son rapport pour l’année 2020.
L’année 2020 aura été particulière pour tous les acteurs de l’aéronautique, pandémie du Covid-19 oblige. Dans l’introduction du rapport, Rémi Jouty, directeur du BEA, précise que « sur le plan qualitatif », le BEA s’est posé la question de l’impact de la situation sanitaire et de la baisse de l’activité sur le niveau de sécurité. « Pour ce qui concerne l’aviation générale, une première analyse des enquêtes ouvertes ne semble pas, pour l’instant, permettre de dégager de tendance particulière ».
Au niveau des accident survenus en 2020, le travail aérien a enregistré 9 accidents dont 1 mortel (5 pour l’avion, 2 pour l’hélicoptère, 2 pour l’ULM) ayant entraîné 1 décès et 3 blessés graves. L’aviation générale a enregistré 186 accidents dont 30 mortels se répartissant entre l’avion (83), l’hélicoptère (4), les planeurs et motoplaneurs (14), le ballon (3) et l’ULM dont la classe 6 des hélicoptères ultra-légers (82), avec 55 décès et 32 blessés graves au total. Trois accidents (2 avions et 1 ULM, avec 1 mort et 2 blessés graves) ont été classés en « Autres ». Il s’agit notamment de l’accident d’un Piper PA-44 « emprunté » par une personne ne disposant pas de titres aéronautiques et ayant décollé de nuit avant d’aller s’écraser.
Pour le travail aérien et l’aviation générale, le nombre d’accidents sur le territoire français a diminué de 12% par rapport à 2019. Pour le BEA, « cette légère baisse correspond sans doute à une activité finalement soutenue en aviation légère (aviation générale et travail aérien), malgré la situation sanitaire, bien que cette activité ne soit que partiellement mesurée. On note qu’en dépit de la diminution du nombre d’accidents, le nombre d’accidents mortels a connu une hausse de 11% et le nombre de victimes a même augmenté de 51% » précise le rapport.
Au chapitre spécifique au bilan de l’aviation générale, il est redit que « la situation sanitaire a certainement influé sur le nombre total d’accidents survenus en aviation générale, qui est en baisse de 12% par rapport à 2019. Cette baisse peut paraître peu marquée au regard de l’état du trafic aérien global en 2020. Il faut toutefois noter que le volume de trafic réellement mesurable est principalement constitué du transport aérien commercial. De fait, il est probable que l’activité de l’aviation générale soit restée globalement soutenue en 2020 » peut-on lire. Ainsi, l’évolution du nombre d’accidents a connu un « relatif plateau » pendant la période de confinement de printemps, le nombre d’accidents reprenant ensuite « une évolution relativement semblable à celle des années précédentes ».
Si le nombre total d’accidents a connu une baisse pour l’aviation générale, « le nombre d’accidents mortels en aviation générale a connu une hausse de 15% par rapport à 2019 et, ce qui est plus marquant, le nombre de victimes a augmenté de 57% ». Aussi, au regard de ces données, « il est probable que s’il n’y avait pas eu d’arrêt de l’activité au printemps, les résultats de 2020 auraient été comparables à ceux de 2018 en nombre d’accidents mortels et de victimes, c’est-à-dire parmi les années les plus mauvaises de la décennie passée ».
Le BEA reconnaît que « cette analyse relève en partie d’une forme de spéculation qu’il convient de ne pas pousser davantage » mais le constat « prudent » fait qu’il n’y a « pas de tendance véritablement marquée en matière de niveau de sécurité en aviation générale : les principaux indicateurs, tels que les variations d’une année sur l’autre, paraissent relativement aléatoires, voire cycliques ».
Évolution 2011-2020 des accidents mortels en aviation générale
En 2020, le rapport entre le nombre de morts et le nombre d’accidents mortels a été particulièrement élevé l’an passé, « largement supérieur à ceux observés au cours des dix dernières années » avec notamment plusieurs accidents au cours desquels quatre voire cinq personnes ont été tuées.
S’intéressant plus précisément à l’activité Avions, le BEA note que cette activité « a connu en 2020 l’une de ses plus mauvaises années de la décennie ».
Évolution 2011-2020 des accidents mortels en aviation générale (avions seulement).
Sept accidents d’avions ont fait trois victimes ou plus. Cinq d’entre eux impliquent des aéronefs exploités en aéro-club. Une enquête plus approfondie de ces derniers accidents a relevé des accidents liés à des baptêmes de l’air sous diverses formes. Trois accidents mortels l’ont été dans ce contexte : perte de contrôle au décollage d’un DR-400/120 (4 victimes), accident en région montagneuse d’un DR-400/140 (3 victimes), collision en vol entre un ULM Pioneer 300 et un DR-400/140 (5 victimes).
Deux accidents non mortels ont été répertoriés dans un cadre d’exploitation en vol de découverte et vol BIA : atterrissage forcé en zone montagneuse suite à un défaut de gestion carburant et collision avec un arbre en finale. Le BEA note que ces vols « se distinguent en plusieurs points de l’activité classique des pilotes d’aéro-club, généralement axée sur l’entraînement et l’agrément ».
Certains de ces cas peuvent aussi être liés « à des initiatives individuelles de la part de membres d’aéro-clubs que les structures associatives peuvent avoir du mal à détecter et accompagner ». Ainsi, un des accidents mortels a révélé que le vol était exploité « en partage de frais par le pilote, formule proposée sur le site internet de l’aéro-club comme une alternative au vol de découverte » – avec des limitations opérationnelles (distance et durée) ainsi que des exigences de la part des pilotes (expérience récente) différentes.
Deux accidents, ayant fait plus de deux victimes parmi ceux exploités en clubs, sont survenus au cours de sorties organisées à plusieurs avions : conditions météorologiques dégradées pour l’un, au décollage pour le second lors d’un retour de nuit non prévu, sans références visuelles extérieures. Les enquêtes se sont intéressées aux conditions dans lesquelles ces sorties ont été organisées au sein des structures concernées. De quoi inciter les dirigeants de clubs à mieux encadrer ces opérations internes. On sait que les recommandations du BEA en la matière ont été suivies d’effet au niveau de l’évolution de la réglementation des vols de découverte (ici et là).
Pour l’activité ULM, le BEA note que « le nombre d’accidents mortels d’ULM et de victimes associées est en recul pour la troisième année consécutive ».
Évolution 2011-2010 des accidents mortels d’aviation générale (ULM seulement)
Sur les 13 accidents mortels d’ULM, le BEA cite un « accident survenu lors d’une manoeuvre dangereuse non nécessaire à la conduite normale du vol », suivi d’une collision avec un obstacle lors d’un passage à faible hauteur en multi-axes. Dans au moins 10 cas, une perte de contrôle est survenue (2 au décollage, 3 en route, 3 en approche, 1 en remise de gaz et 1 en montée sous forte pente après décollage en autogire).
Le BEA attire l’attention des lecteurs sur le fait que les chiffres cités « concernent des nombres d’accidents et non des taux d’accidents ». En conséquence, « ils ne doivent donc pas être interprétés comme une comparaison des niveaux de sécurité des activités Avion et ULM », car « une telle comparaison devrait tenir compte notamment des flottes, des nombres de vols ou des heures de vol pour chaque activité ». ♦♦♦
Photo et illustrations © BEA
Lien vers le rapport 2020 du BEA