Les erreurs à éviter lors d’un atterrissage par vent de travers.
Certains jours, les conditions météorologiques sont favorables au vol si l’on ne retient que la visibilité et le plafond, mais l’activité se voit réduite dans les clubs car la manche à air n’est pas vraiment verticale, désaxée de plus par rapport à la piste. Par « instinct de survie » – qu’on ne peut reprocher s’il s’agit d’une bonne analyse de son niveau en la matière – nombreux sont alors les pilotes à rester au sol. La crainte d’une sortie de piste latérale à l’atterrissage est bien présente dans les têtes. Or, une telle situation peut survenir lors d’un vol débuté par conditions calmes. Il faut donc être prêt à la maîtriser, d’où la nécessité de la pratiquer avec un instructeur de temps en temps pour conserver ce savoir-faire.
Les erreurs le plus souvent rencontrées sont les suivantes :
– Une vitesse en finale trop élevée. C’est sûr, par conditions turbulentes, avec de possibles cisaillements de vent dans les basses couches, mieux vaut avoir un excédent de vitesse pour garder des commandes vives mais point trop n’en faut ! Un excès de vitesse conservé jusqu’à l’arrondi va se transformer en un long palier de décélération, rallongeant le temps mis à retrouver le plancher des vaches. Il va falloir se battre encore plus longuement avec les effets du vent latéral alors que l’on cherche à écourter cette durée.
Donc, s’il y a une forte composante de vent latéral, il faudra augmenter sa vitesse d’approche mais anticiper une réduction de vitesse une fois la piste à portée, quand les derniers obstacles sur les bords de la trajectoire en finale – pouvant engendrer des turbulences même si celles-ci peuvent encore intervenir au moment de l’arrondi dans le cas de hangars à proximité de la piste – sont passés. Conserver l’excédent de vitesse jusqu’à la réduction des gaz en début d’arrondi n’aidera donc pas à limiter le temps à se battre avec le vent à l’arrondi.
Si la composante de vent est plein travers tout en subissant un vent laminaire, l’excédent de vitesse doit être minime, à doser en fonction des turbulences susceptibles d’être croisés en courte finale au vu des obstacles à proximité de la piste, en sachant donc « lire le paysage » devant soi dans le domaine de la micro-aérologie. Dans tous les cas, il n’est pas recommandé de vouloir « forcer » l’appareil à se poser. Les rapports du BEA regorgent de cas où ce type de « procédure » finit souvent mal, avec des dommages matériels généralement liés à la roulette avant…
Évidemment – mais c’est hors sujet pour cet article au vu du titre ! – si le vent est quasiment de face, un excédent de vitesse reste à prendre en finale (la moitié de la valeur du vent ou de la rafale à rajouter à la vitesse d’approche, généralement 1.3xVs0). Cet excédent de vitesse peut être conservé quasiment jusqu’à la très courte finale car par vent de face, la vitesse sol demeure faible et la pénalisation lors de l’arrondi restera minime en distance parcourue.
– Une configuration inappropriée. Plus votre aéronef arrive à faible vitesse, plus l’influence du vent de travers est élevée. Et donc, sauf piste limitative, il n’y aucun intérêt à approcher à la plus faible vitesse majorée de l’effet du vent quand ce dernier est de travers. L’effet du vent sera maximal au moment de l’arrondi, quand la vitesse en vol est la plus basse avant de toucher des roues. Il faut donc dès la vent arrière, en fonction du vent de travers par rapport au QFU, déterminer le braquage adéquat des volets à retenir.
Certains manuels de vol recommandent ainsi de ne pas sortir le second cran de volets si le vent de travers est élevé (Cessna 172). Il faudra simplement afficher en finale une vitesse plus élevée qu’en configuration Atterrissage standard puisque le 1.3xVs se calcule alors avec la vitesse de décrochage avec 1 cran, voire en lisse. Ceci concerne les appareils à l’hypersustentation développée (bonne surface de volets et/ou fort braquage). Par contre, sur certains appareils aux volets de faible taille (DR-400), la sortie des pleins volets n’est pas très pénalisante. Elle apportera un peu plus de traînée lors de l’arrondi pour diminuer le « flottement » au-dessus de la piste. Consultez votre manuel de vol !
– Pas assez de réactivité aux commandes. Avec un vent qui peut connaître des sautes d’humeur au moment de l’arrondi, sans être brutal aux commandes, il faut réagir aux mouvements de son appareil sous l’emprise des rafales latérales. Il est donc nécessaire d’épauler le vent avec des ailerons du côté du vent (à gauche dans notre exemple) pour éviter de dériver sous le vent de la piste. Mais pour ne pas partir en virage à gauche par cette action en roulis, il faut au même moment conserver l’axe de l’appareil parallèle à celui de la piste au moyen du palonnier opposé (à droite dans notre exemple).
Et comme le vent va sans doute fluctuer durant le palier de décélération menant au toucher des roues, il va falloir constamment jouer sur les deux axes. Le vent forcit, je dérive vers la droite, je dois donc incliner encore plus à gauche mais aussi augmenter la pression sur le palonnier droit pour garder l’axe de symétrie de l’appareil parallèle à l’axe de la piste.
Le vent diminue, si je garde cette inclinaison, je quitte mon axe « au vent » de ce dernier,
il me faut donc diminuer l’inclinaison à gauche (dans notre exemple) et donc aussi la pression sur le palonnier droit sinon ce dernier va créer du lacet à droite et donc du roulis induit – vous suivez !
Tout ceci doit être acquis en théorie avant le vol mais dans le feu de l’action, la réaction doit être faite sans longue réflexion ! Mais en règle générale, lors des premières séances en instruction pour maîtriser l’atterrissage par vent de travers, le stagiaire a tendance à ne pas vouloir incliner suffisamment (à gauche dans notre exemple). L’avion quitte donc l’axe de la piste par la droite et notre élève, désemparé en arrive à mettre du pied à gauche pour tenter de revenir sur l’axe, ce qui n’est vraiment pas la solution…
Il faut donc ne pas hésiter à incliner au vent – avec l’aile haute des Cessna ou le dièdre des saumons de DR, il y a de la marge, que l’on peut quantifier avec un plan 3-vues et l’instinct fera que l’on s’arrêtera bien avant les limites acceptables… – mais aussi à « contrer » le départ en virage par une pression à exercer et à… maintenir du côté du palonnier opposé. C’est là que généralement, il manque le bon dosage ou son maintien dans le temps. On s’en rend compte au toucher quand les corps de l’équipage sont chahutés latéralement dans l’habitacl car l’avion de travers s’est posé « en crabe », les roues n’étant pas parallèles à l’axe de piste.
Avec les bons dosages de commandes, sans faire de « mayonnaise » en sur-réagissant, l’aéronef touchera le sol sur la roue au vent. Le couple ainsi créé entraînera dans la foulée le toucher de la roue principale sous le vent, avant que la roulette avant ne rejoigne le sol. Évidemment, en fonction de son expérience mais aussi des limitations de l’appareil (qui sont « démontrées » en fonction de la force et de la direction du vent lors de cet essai par le constructeur durant la certification), il faut savoir prendre des marges et repousser progressivement ses limites – l’idéal est de le faire en instruction.
Aller chercher les limites (les siennes et celles de son aéronef) n’est pas forcément utile et donc, il peut être judicieux de limiter les risques en retenant une large piste en herbe, qui « encaisse » mieux la désaxe des pneus, qu’une piste en dur étroite… Si la première n’existe pas sur le terrain de destination, renoncer fait partie des scénarios à avoir en tête avant de se dérouter vers un terrain au QFU mieux aligné avec Eole.
Ne pas oublier enfin que par vent de travers, rien ne sert de « fignoler » le toucher des roues. L’important est de retrouver le plus rapidement le sol et pouvoir ensuite freiner pour revenir à un vitesse de roulage faible. Et donc les touchers peuvent être plus « francs » que par conditions calmes…
Sur train classique, la pratique reste identique à celle d’un appareil à train tricycle. Mais deux techniques peuvent être employées, l’atterrissage 3-points ou de piste, la vitesse jusqu’à atteindre quelques mètres au-dessus de la piste étant la même dans les deux cas. Les limitations vent de travers sont généralement bien plus basses que pour un appareil à train tricycle et sur des machines anciennes, le plein débattement des commandes peut parfois être rapidement atteint, ce qui n’est pas optimal.
Si l’on effectue un atterrissage de piste, c’est-à-dire en ligne de vol, le point de touché sera mieux maîtrisé – en « dérapage intérieur », ailerons contre le vent, pied contraire, quand la roue côté vent touchera le sol, il sera temps de mettre du manche en avant quelques instants avant que la roue sous le vent ne touche le sol, pour maintenir l’appareil au sol. Mais si le retour au sol a été maîtrisé, le plus dur reste encore à venir car c’est lorsque la roulette arrière rejoindra le sol, à plus faible vitesse, qu’il faudra encore conserver la trajectoire, ce qui nous amène à la dernière erreur possible…
– Continuer à piloter au sol. Avec du vent fort, notamment à bord de machines légères et/ou aux commandes bien efficaces, même à faible vitesse de roulage, il est possible de faire évoluer l’appareil sur son axe de roulis et son axe de tangage, en bénéficiant de « l’effet de souffle » du vent sur la machine. Ceci démontre que les gouvernes sont efficaces même à faible vitesse sol car le vent relatif est élevé.
Qu’il s’agisse du roulage vers le point d’attente ou du roulage en fin d’atterrissage lors de la décélération et jusqu’à l’arrêt au parking, il est donc essentiel de constamment « piloter » son appareil au sol en contrant les effets du vent. Ainsi, l’action en roulis pour « épauler le vent » à l’arrondi devra être conservée et même accentuée au fur et à mesure de la décélération au sol car l’efficacité des commandes chutant avec la vitesse, il faut augmenter leur débattement.
Ce sera encore plus vrai avec un appareil à train classique, en connaissant la direction du vent sur chaque segment de trajectoire au sol pour contrer ses effets. Des réflexes (manche arrière…) doivent alors être oubliés si l’on roule vent dans le dos. Et comme les effets du souffle de l’hélice sont opposés à ceux du vent, sans savoir à chaque instant lequel des deux l’emporte, il y a tout intérêt à rouler au pas sur appareil à train classique pour ne pas finir avec une hélice rabotée… On le sait, tout vol s’achève avion à l’arrêt devant le hangar.
Au final, atterrir par vent de travers n’est pas compliqué. Il suffit de faire ce qu’il faut, quand il faut et comme il faut ! Mais cela n’est pas forcément inné et un entraînement en sécurité, avec un instructeur en place droite, s’avère être la meilleure solution pour acquérir et maintenir ce savoir-faire où l’on se trouve au coeur du « vrai pilotage » – « stick and rudder » disent les Anglo-Saxons, manche et palonnier… ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com