Gérer l’énergie et conserver le contrôle, grâce à l’entraînement au préalable.
Le 3 mai dernier, deux Spitfire décollent pour un vol en patrouille. L’un d’eux est biplace, avec un passager à l’arrière. Une trentaine de minutes après le décollage, le pilote du biplace ressent une vibration côté moteur. Il vérifie les paramètres (pressions, régime…), tout semble normal mais cinq secondes après avoir ressenti la vibration, le moteur perd rapidement sa puissance. Le Rolls-Royce Merlin 266b du Spitfire Mk IXT, appareils construit en 1943, reprend brièvement, s’étouffe et reperd sa puissance avec des ratés et des fumées sombres sortant des échappements.
Le pilote essaye différentes positions de manette de gaz pour voir s’il trouve un régime permettant au moteur de délivrer de la puissance, mais sans résultat. Il sent une odeur d’essence dans le cockpit et suspecte donc un problème de carburant. Suite à la perte de puissance et pour éviter une chute de la vitesse, il a abaissé le nez. Il a choisi une zone favorable et fait un léger virage à droite pour s’aligner . Il briefe son passager. Il est en contact avec le pilote de l’autre Spifire qui transmet un Mayday au contrôle aérien de sa part.
Le pilote du biplace se concentre sur le maintien de la vitesse et de son énergie durant la descente, tout en notant que l’alarme de faible pression carburant s’est allumée te mettant donc la pompe sur Marche. Il vérifie les magnétos mais sans noter de différence sur chacune.
Il prend la décision de ne pas sortir le train d’atterrissage. Il change légèrement de cap pour éviter de survoler un camping et réduit la vitesse à 100 Kt, réduit les gaz. Il a prévenu son pilote de se préparer à l’atterrissage forcé. Arrondi et l’appareil reste sur le ventre, s’arrêtant
sur une distance jugée vraiment courte. L’équipage évacue, le passager compte quelques blessures mineures, le pilote est indemne. Le dessous de l’appareil est endommagé (radiateur et intrados droits, capot moteur), l’hélice détruite.
L’enquête a montré que la panne provenait d’un joint défectueux au niveau du carburateur, sans doute par usure. Le switch de basse pression a subi une fuite externe, les vis de fixation du boîtier s’étant desserrées. Les effets du vieillissement sur les composants en élastomère, tels que des joints, sont la contraction et le durcissement, ce qui a pu entraîner une diminution du couple de serrage des vis. Le switch avait au moins 70 ans et la date de sa dernière révision était inconnue. Le tout a entraîné un mélange top riche, entraînant les vibrations puis la perte de puissance.
Si la cause technique est ainsi déterminée, la partie intéressante du rapport de l’AAIB porte sur la gestion de l’atterrissage forcé. Le Spitfire étant taillé pour la vitesse avec une importante charge alaire, avec la perte de puissance et une hélice moulinant, la gestion de l’énergie pour conserver le contrôle reste le point majeur. Le pilote (par ailleurs pilote de ligne, 7.368 heures dont 60 sur type, dont 55 dans les 90 derniers jours et 10 dans les 28 jours) a détaillé comment il a pris plusieurs décisions pour ne pas réduire ou perdre de l’énergie. Il n’a pas abaissé le train d’atterrissage ni éjecter la verrière, pour limiter la traînée et permettre une trajectoire stable avec un taux de chute constant.
La première priorité étant de piloter, face à une importante charge de travail, il a demandé au pilote du second Spitfire de gérer les communications, lui permettant d’être plus disponible pour l’atterrissage forcé. Il a noté que son passager, par ailleurs également pilote de ligne, est resté calme durant toute la fin du vol.
Citant les facteurs ayant contribué à la bonne issue du vol, il mentionne une certaine hauteur en croisière pour se laisser plus de temps de décision en cas d’une urgence à traiter, en évitant de survoler des zones urbanisées avec un monomoteur. Il a indiqué les bienfaits de s’entraîner régulièrement à réaliser des atterrissages forcés simulés. C’est ce qu’il faisait régulièrement et en incitant sur ce point vis-à-vis de ses élèves en tant qu’instructeur (FI et CRI).
L’entraînement aux atterrissages forcés lui a permis de localiser rapidement un site adapté
et à portée de plané de l’appareil, facilitant la priorité des actions à mener et la gestion avec efficacité de l’énergie. Il a indiqué que la pratique au sein de l’opérateur des machines consistant à régulièrement imaginer des scénarios (« Et si… »), dont notamment une perte de puissance entraînant un atterrissage forcé, a participé à la bonne gestion de l’urgence. ♦♦♦
Rapport de l’AAIB en téléchargement :
SpitfireAAIB