Mémoires à chaud d’un fougueux pilote de Spitfire dans le ciel de Malte en 1942.
Les jeunes éditions Blueman (Suisse) comptent des départements Histoire et Aviation, avec notamment la réédition d’ouvrages anciens mais oubliés, peu connus ou non traduits en français par le passé. Ce fut ainsi le cas de « Cent pour sang » (l’histoire du 100th Bomber Group de la 8e Air Force en Angleterre) ou « La vigie » (les mémoires d’un mitrailleur arrière sur Lancaster durant la Seconde Guerre mondiale).
Cette fois, c’est l’autobiographie de George « Screwball » (« C’est dingue ! ») Beurling qui est exhumée, en conservant son titre original. Ce pilote de chasse canadien est méconnu si on
le compare aux Mouchotte, Clostermann, Galland, Hartmann ou autre Tuck mais sa courte carrière s’avère unique. Passionné d’aviation dès le jeune âge, quittant l’école pour travailler à l’usine, économisant sur tout pour pouvoir enregistrer une heure de vol par semaine, il s’initie à la voltige en cachette lors de ses vols solo. Grimpant trop lentement à son goût en heures de vol, il démissionne et devient pilote pour relier des champs aurifères dans le nord du Canada, histoire d’avoir assez d’heures pour passer le… brevet.
Souhaitant rejoindre la Chine pour combattre les Japonais dans les airs, il accumule les petits boulots et les heures de vol même si son jeune âge ne lui permet pas de décrocher une licence commerciale malgré le succès aux tests théoriques et pratiques, avant de passer illégalement la frontière américaine pour embarquer vers le Chine. Il est arrêté et expulsé. Nous sommes en 1939 et la guerre éclate en Europe. De retour au Canada, il veut s’engager dans l’Aviation militaire canadienne mais son niveau universitaire est jugé insuffisant…
La Finlande entend défendre son espace aérien et recherche des pilotes, avec ou sans diplôme universitaire mais cette fois, c’est l’autorisation parentale qui lui fait défaut. Il accumule les vols, atteint 250 heures de vol mais le côté « chien fou » reprend souvent le dessus, le faisant parfois interdire de vol après du rase-mottes. Finalement, à l’arrache, sans prévenir ses parents, il embarque comme matelot sur un navire suédois transportant des munitions vers l’Écosse. Au bureau de recrutement de la RAF, on lui demande un certificat de naissance
– règlement oblige. Il n’en a pas et donc, pour aller le chercher, il refait la traversée aller-retour de l’Atlantique au sein de convois menacés par les U-boot.
Tout le caractère, la volonté et la ténacité de George Beurling sont déjà bien présents dans
ce premier chapitre mais aussi la fougue de la jeunesse (sur la photo colorisée de la couverture, il n’a que… 22 ans) à laquelle il faudra ajouter par la suite des pointes d’indiscipline et d’individualisme qui ne sont pas des comportements attendus d’un pilote de chasse mais Beurling était au-dessus du lot en matière de pilotage et de tir air-air en déflexion (sa grande spécialité), ce qui lui sauvera la mise plusieurs fois.
C’est ce que racontent les chapitres suivants et notamment sa formation a sein de la RAF sur Miles Magister et Master, Tiger Moth, Hurricane avant d’atteindre le cockpit d’un Spitfire et une unité opérationnelle fin 1941. Ce seront alors des missions au-dessus de la France et ses premières victoires contre des FW-190 mais muté dans une autre unité, il ne se sent pas à l’aise, étant mis à l’écart car rompant trop souvent la formation pour attaquer en solitaire.
Il décide donc de remplacer un collègue partant en outre-mer. C’est à Gibraltar qu’il apprendra que la destination finale est Malte, ilôt assiégé de partout courant 1942.
C’est là que Beurling va se réaliser lors de son « tour » à Malte où en 14 jours de combat à l’été 1942, aux commandes d’un Spitfire, il va détruire 27 appareils allemands et italiens, endommagé 8 et 3 autres probables. Il sera finalement abattu pour la quatrième fois en octobre 1942, mettant fin à son tour d’opération à Malte avant un retour en Grande-Bretagne avec l’aura de « Faucon de Malte » et premier as canadiens de la Seconde Guerre mondiale. C’est au retour de Malte en 1943 – après un crash à Gibraltar en tant que passager d’un B-24 Liberator – qu’en 17 jours d’échanges avec Leslie Roberts naîtra cet ouvrage où le récit est alerte, comme si l’on entendait Beurling s’exprimer oralement.
De retour en Europe, enregistrant d’autres victoires en Spitfire IX, il demande à diriger une unité de P-51 Mustang mais ceci lui est refusé. Trop d’incartades le clouent au sol. Une fois la guerre terminée, il eut du mal à se remettre à la vie civile… Recruté comme volontaire pour voler sur P-51 par la jeune armée de l’Air israélienne, il trouve la mort en mai 1948, au décollage de Rome, en convoyant un placide Noorduyn Norseman vers la Palestine pendant la guerre israélo-arabe. C’était son dixième crash. Il avait 26 ans. Témoignage. ♦♦♦
Photo © RCAF
– Malta Spitfire. Mémoires d’un loup solitaire. G. Beurling et L. Roberts. Ed. Blueman. 242 p. 19,00 €