
De l’aberrante disproportion des peines dans le domaine de l’aviation générale…
Le dossier a déjà été présenté ici, fin octobre. Pour rappel, en juillet 2025, un pilote a connu
un problème moteur lors d’un vol aux commandes de son biplace en CNRA, le poussant à écourter le vol pour venir se reposer au plus vite. Pris par le stress d’une panne moteur possible à tout moment faute de circuit de refroidissement du moteur, il a omis le jour même et par la suite de remplir le carnet de route pour ce tour de piste de 10 minutes.
Le 2 septembre suivant, après remise en état du groupe moto-propulseur, il redécolle pour
un vol d’essai qui s’avère concluant côté moteur mais à l’atterrissage, par vent de travers, la roulette avant lâche après rebonds et l’appareil finit sa course sur le nez. La BGTA, prévenue par la tour de Béziers, est rapidement sur place tandis que l’appareil est remisé dans son hangar. En consultant le carnet de route de l’appareil, la BGTA note que la ligne du tour de piste avec la panne moteur n’y figure pas en juillet. Le pilote reconnaît cet oubli et le corrige aussitôt, ajoutant la ligne du jour avec l’incident du train.
Mais quelques jours plus tard, il est convoqué à la BGTA de Montpellier pour signer un procès-verbal reconnaissant l’absence de mention du vol du 11 juillet dans le carnet de route,
avec l’information qu’il peut se faire assister par un avocat. Bien que le pilote ait rappelé les conditions l’ayant mené à cet oubli, rien n’y fait. Le pilote décide d’écrire au directeur de la DSAC pour exposer les tenants et aboutissants de l’affaire mais en retour, ce fut un nouvel appel téléphonique de la BGTA, étant convoqué pour venir prendre rendez-vous avec le délégué du procureur de la République en vue d’une audience pour statuer sur son sort.
Début novembre, voilà donc notre pilote répondant à la convocation pour cette prise de rendez-vous mais ce qui devait se faire en quelques minutes s’est transformé dans les faits
en un nouvel interrogatoire de plus de 1h30… Au-delà du domaine aéronautique, les questions administratives (nom du père, de la mère, propriétaire ou non du domicile, montant des revenus en tant que retraité…) se succèdent, une façon d’établir le niveau de solvabilité.
La sanction du « manquement » est précisée comme « mineure », relevant de la catégorie 5. Une recherche sur internet évoque des amendes pouvant atteindre jusqu’à 1.500 €.
Le rendez-vous est finalement fixé au 20 novembre, des délais plus proches de la comparution immédiate que les procès pour des faits nettement plus graves et qui sont reportés d’année en décennie parfois.
Considérant « avoir été piégé » par ce nouvel interrogatoire avec un nouveau procès-verbal accentuant les faits, le pilote écrit par mail à la BGTA, souhaitant « signaler plusieurs incohérences relevées dans le document » qui lui a été communiqué. Il rappelle que l’objet initial de sa venue était « uniquement de prendre connaissance de la date de (sa) convocation au tribunal » mais qu’un second procès-verbal lui a été présenté à la signature, « rédigé à la hâte et sans véritable échange », directement dans le hall des locaux. Le contenu de ce second PV ne correspond pas à celui du premier PV, qui contenait tous les éléments détaillés concernant le vol du 11 juillet. Le second contient des erreurs manifestes. Aussi, le pilote demande la communication du premier procès-verbal. Faut-il préciser que ce mail est resté sans réponse…
Ce 20 novembre, après 4 heures d’attente, le pilote a pu rencontrer le délégué judiciaire au palais de justice de Béziers. En quelques minutes seulement, celui-ci lui a simplement tendu le second PV et annoncé le montant de l’amende, soit 360 €. Se déclarant incompétent en
la matière – on apprécie au passage sa totale clairvoyance et son absolue honnêteté ! – et s’appuyant donc uniquement sur le second PV de la BGTA, le délégué ne veut pas discuter ni exposer les faits, renvoyant le pilote vers un juriste ou un avocat s’il souhaite contester le PV dans un délai de 20 jours… Nul besoin donc de préparer sa défense puisqu’il n’est pas possible d’argumenter. Ainsi va la justice pour une simple ligne absente sur un carnet de route, situation mettant gravement en danger la sécurité des vols – c’est du second degré ! ♦♦♦
NB : cet article pourrait assurément servir de support à un cours de facteurs humains avec pour thème « Méthodes appropriées pour améliorer l’état psychologique des pilotes privés et rendre serein la pratique du pilotage ».