Retour à la réalité pour les eVTOL lors des Jeux olympiques à Paris…
Déjà évoqué sur ce site, le groupe ADP et Skyports, avec le soutien de la RATP, de la région Ile-de-France et de la DGAC, ont inauguré en novembre 2022 un terminal « test » à Pontoise pour l’accueil de passagers de véhicules électriques volants (eVTOL). Ce terminal avait pour objectif de servir de banc d’essai en préparation de l’expérimentation prévue en 2024 lors des Jeux olympiques de Paris.
ADP et la RATP travaillaient également avec l’Assistance publique-Hopitaux de Paris (APHP) pour envisager l’usage d’aéronefs léger pour le transport de matériel biologique, de blessés légers ou de médecins spécialisés à partir du Bourget. Le programme prévoyait alors d’implanter cinq vertiports supplémentaires en 2024, celui de Pontoise devant favoriser l’essor de nouveaux usages (logistique, surveillance et maintenance, sanitaires et médicaux).
Ainsi étaient prévus d’autres vertiports en région parisienne avec liaisons pour passagers entre Paris (comprendre l’héliport d’Issy-les-Moulineaux) et Versailles (comprendre l’aérodrome de Saint-Cyr l’Ecole) mais aussi entre CDG et Le Bourget, avec également un site intra-muros, implanté au quai d’Austerlitz à Paris, ce dernier devant utiliser une barge fixe sur la Seine.
ADP estimait à 1.300 vols au maximum de juillet à décembre 2024 entre Issy-les-Moulineaux et Saint-Cyr l’Ecole
Le site d’ADP indique ainsi « à l’horizon 2024 » une expérimentation prévue avec une flotte d’une dizaine de VoloCity (eVTOL développé par Volocopter) pour effectuer 2 à 3 vols par… heure. Après un an de campagne d’essais à Pontoise, le bilan ne serait que de « plus de 20 vols réalisés » et « près de 200 km parcourus ». Des mesures de bruit ont été effectués (survol à basse hauteur, stationnaire, décollage-atterrissage) et les premiers résultats ont révélé un « niveau d’émission mesuré de 76 dB(A) », valeur présentée comme « en deçà du niveau d’émission d’un autobus conventionnel, soit également quatre fois moins de bruit qu’un hélicoptère ». A 76 dB(A), ce n’est pas mieux que bon nombre d’avions légers…
La campagne d’essais a aussi évalué l’intégration d’un tel eVTOL dans l’espace aérien avec un Volocopter télépiloté pour simuler des manoeuvres d’évitement en situation réelle, sans en connaître les modalités exactes.
Las, entre la théorie et la pratique… entre le rêve et la réalité, il y a parfois un écart. Début septembre, l’Autorité environnementale française a jugé incomplète l’étude d’impact de la base expérimentale prévue sur la Seine, mettant en avant la pollution sonore et visuelle, la consommation d’énergie et la sécurité des passagers à bord comme celle des tiers au sol.
Les élus parisiens (Conseil de Paris) ont rendu hier un avis négatif sur la création de ce « vertiport » dans Paris, jugeant le programme absurde et une aberration écologique.
En situation de réchauffement climatique, de pollution, de transition énergétique, sont mis en avant la consommation du VoloCity (près de 200 kWh aux 100 km) soit « 2 à 3 fois la consommation d’une voiture à moteur thermique », le tout pour transporter… 1 seul passager privilégié et peut-être un brin téméraires, le billet devant s’élever à 140 € pour 35 km
– Augustin Romanet, patron d’ADP annonce un prix moyen comparable à celui d’un taxi classique…
On notera que le VoloCity, qui est biplace mais l’expérimentation prévoit un « pilote » à bord à côté du passager, n’est à ce jour pas encore certifié par l’EASA – ce qui pourrait régler le dossier d’une autre manière… – alors que les JO sont programmés pour fin juillet prochain et le mois de mai retenu pour le début de l’expérimentation prévue jusqu’en décembre 2024,
ce qui laisse une fenêtre étroite pour un projet économiquement douteux et techniquement incertain. Il n’est pas certain que la DGAC accepte de voir voler autant d’engins « expérimentaux » en région urbanisée certification obtenue ou pas.
Mais à croire Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France – en charge des contraintes imposées notamment à Toussus-le-Noble pour nuisances sonores – « les JO sont une opportunité et une vitrine incroyable pour lancer ce projet et promouvoir les installations d’expérimentation du site (Ndlr : Pontoise). Nous continuerons à soutenir ce projet en restant attentifs à ce que les Franciliens en tirent profit, dans le respect de nos objectifs de décarbornation détaillée dans la stratégie économique régionale Impact 2028 » (sic !).
Pour ADP, il s’agit également d’utiliser la vitrine des Jeux olympiques 2024 à Paris pour faire circuler – « de façon expérimentale » – des taxis volants électriques sur trois lignes, dont une reliant l’héliport d’Issy-les-Moulineau à une barge sur la Seine pour expérimenter une « nouvelle offre de mobilité en zone urbaine très dense ». Au passage, le maire du 15e arrondissement de Paris a rappelé son souhait de fermer définitivement l’héliport d’Issy-les-Moulineaux !
Moralité : les lois de la physique sont têtues et les annonces publicitaires ou politiques n’y feront rien ! La vitrine risque d’être vide… ♦♦♦
Photo © Volocopter