
Arrêt de la chaîne de production des Bonanza et Baron.
Le lièvre a été levé par un membre de l’American Bonanza Society (ABS) regroupant les propriétaires et passionnés du monomoteur. L’offre des appareils à piston sur le site de Beechcraft (groupe Textron Aviation) a récemment disparu de la page d’accueil sans aucune communication de la part du constructeur. Ce n’est qu’après questionnement par la presse que le groupe industriel a confirmé que le constructeur Bechcraft allait arrêter la production des Bonanza G36 et Baron G58 une fois que tous les appareils commandés auront été livrés.
Cela ne devrait pas être trop long au vu des chiffres de production ces dernières années. En 2024, le constructeur de Wichita a en effet livré seulement 5 Bonanza et 2 Baron, des chiffres (source Gama.aero) comparables à ceux des précédentes années et une production qu’il est difficile de justifier. Dans les faits, cela fait des… décennies que le constructeur, quel que soit son propriétaire, de Raytheon à Textron, a cherché à vendre sa gamme d’appareils à piston mais sans trouver repreneur (cf. L’avenir du Bonanza en suspens). Finalement, le jet d’éponge est survenu récemment et 2026 sera ainsi la dernière année de production pour les Bonanza et Baron.


Tout avait commencé en décembre 1945 avec le premier vol du prototype du Model 35, un monomoteur révolutionnaire à l’époque, bien loin de l’architecture du Beech 17 Staggerwing d’avant-guerre, déjà réputé pour ses performances mais à voilure biplan et train classique.
Le Bonanza (un filon d’or en mexicain…) innove dans plusieurs domaines : une construction entièrement métallique et robuste, un train tricycle rétractable, un empennage en V
(dit « papillon ») diminuant la traînée, de bonnes performances et aussi des commandes de vol réputées pour leur qualité et leur « onctuosité ». Ce sont aussi des tarifs… à la Beechcraft.

Les débuts seront marqués par des accidents, donnant la réputation à l’appareil de « tueur de médecins », profession au pouvoir d’achat permettant l’acquisition du monomoteur. Mais le succès sera bien là avec une production dépassant les 18.000 exemplaires, tous modèles confondus, depuis le début de la série en 1947. Comme tout appareil au potentiel bien établi, le Bonanza sera constamment amélioré, l’évolution constante portant sur la capacité, passant de 4 à 6 places et la puissance installée, de 165 à 300 ch. Ainsi se succéderont au fil des ans les Model 35, puis A35, B35, 35R, C35, D35, E35, F35, G35, H35, J35, K35, M35, N35, P35, S35, V35, V35TC, V35B-TC, E33, E33A, E33C, F33, F33A, F33C, G33, 36, A36, A36TC, B36TC et G36 (2005).
L’E33 sera le premier à utiliser des empennages de forme classique au début des années 1980. Pour le démarquer de ces ancêtres à empennage en V, le constructeur l’a baptisé Debonair mais les ventes ne décollent pas vraiment face aux anciens modèles. Beech reviendra alors sur la désignation des modèles à empennages classiques, redevenant tous des Bonanza, image de marque et notoriété obligent…

Des extrapolations du Bonanza verront le jour. Pour l’entraînement militaire, une version biplace en tandem donnera naissance au T-34 Mentor qui sera turbinisé par la suite (T-34TC). Avec un fuselage de Bonanza, un plan central rallongé et deux moteurs, ce sera le Twin Bonanza dont le premier vol intervient en novembre 1949. Il portera la dénomination de L23 Seminole pour l’US Army. C’est à partir du Twin Bonanza que le Baron va voir le jour en février 1960. Là encore nombreux seront les modèles jusqu’au G58 avec deux fois 300 ch. Plus de 6.000 Baron seront ainsi produits en 75 ans.


Même si au-delà des Bonanza et Baron, Beechcraft n’a jamais vraiment percé avec ses autres modèles de monomoteurs à piston (Sundower, Sierra, Musketeer, Skipper), la décision d’arrêter ces gammes marque un tournant. Ainsi, alors que le Bonanza est à quelques semaines du
80e anniversaire de son premier vol, l’une des trois « majors » américaines de l’aviation générale vient d’abandonner sa gamme d’appareils à pistons, tout en devant encore assurer la navigabilité et le service après vente, ceci pour se recentrer sur un segment plus rentable pour les actionnaires, celui des jets d’affaires et des biturbopropulseurs inoxydables que constituent les Super KingAir à la carrière également très longue.



Cette stratégie orientée vers le haut de gamme est renforcée par l’arrivée prochaine du monoturbopropulseur Denali, développé au sein de Cessna Aircraft avant d’être récupéré
par Beechcraft. Cet appareil constituera un début de gamme des biturbopropulseurs du constructeur, arrivant sur un segment déjà défriché par les TBM de Daher et le PC-XII de Pilatus. ♦♦♦
Photos © Textron/Beechcraft, American Bonanza Society, San Diego Air & Space Museum, CC/Guinnog, CC/L. Lawson, CC/TwinboPilot et F. Besse/aeroVFR.com