De la confusion des commandes…
La réglementation est issue de l’expérience obtenue sur « le terrain ». C’est en fonction notamment des accidents et de leurs causes révélées que certaines normes de certification ont été élaborées pour éviter de retrouver à l’avenir des situations similaires. Évidemment, le processus prend parfois du temps et il a fallu des années pour que l’on parvienne à une certaine homogénéité dans le principe des commandes, leur positionnement dans un cockpit, les couleurs normalisées.
Si l’on remonte aux années 1930, en France, le pleins gaz sur un avion s’obtenait en tirant la manette de puissance, d’où les expressions de pilotes de chasse annonçant une interception « manette dans la poche », c’est-à-dire au régime maximal. Il faudra l’arrivée notamment de Curtiss H-75 au sein de l’armée de l’Air en 1939-1940 pour que l’on se décide à retenir en France le sens d’action que l’on connaît aujourd’hui, plus logique, la manette vers l’avant pour aller plus vite, en arrière pour ralentir.
Si l’on consulte des photos de cockpits d’avions civils ou militaires dans les années 1950, l’ergonomie est encore préhistorique, avec des instruments parfois placés sur le tableau de bord « là où il y avait encore de la place » mais pas forcément dans le champ visuel du pilote alors qu’il aurait fallu… Sur avions légers, le nombre d’accidents après confusion entre commande de volets et commande de train rentrant était alors important, avec parfois les deux commandes de forme identique, placées au même endroit sur la planche de bord…
Et ce malgré parfois des « manettes détrompeuses ».
Aujourd’hui, les normes de certification ont imposé une certaine standardisation mais le risque zéro n’existe pas. Si l’on vole sur différentes machines de plusieurs constructeurs, il peut y avoir des particularités à noter d’un modèle à l’autre. Heureusement, tous les interrupteurs sont sur On en les actionnant vers le haut ou vers l’avant pour les commandes (sauf le réchauffage carburateur à tirer pour l’actionner).
De nos jours, la confusion de commande n’a pas été totalement éradiquée. Elle peut survenir en cas de stress, d’urgence à agir, notamment dans une phase dynamique (peu après le décollage, en courte finale) mais cela peut être dû à un manque d’inattention, en agissant machinalement ou par étourderie. Dans la précipitation, un pilote peut ainsi se tromper de commande et agir de travers. La fatigue peut s’inviter aussi en fin d’un long vol. Si c’est en croisière, il y a des marges de temps pour corriger l’erreur. C’est moins le cas en finale.
En aviation motorisée, l’erreur entre le réchauffage carburateur (jaune ou gris) et la mixture (rouge) demeure la principale menace.
Pour éviter la confusion de commandes, quelques règles sont à respecter :
– Bien connaître son cockpit et l’ergonomie des commandes. En formation, c’est gratuit de s’installer aux commandes et de se faire un « amphi-cabine » moteur arrêté, de bien identifier la localisation des différents interrupteurs, des différentes commandes, etc.
– Confirmer visuellement – avant toute action – que l’on va bien actionner ou saisir la commande ou l’interrupteur que l’on souhaite activer. D’où la nécessité de prendre son temps…
– Contrôler l’action engagée et notamment ses effets (action-contrôle). Si ceux-ci ne sont pas conformes aux attentes, c’est qu’il y a un problème : mauvaise commande ou commande en panne.
Un récent rapport d’accident de l’Air Accidents Investigation Branch (AAIB) britannique donne un scénario réél, révélant qu’une seule action mal faite peut avoir des conséquences graves. En finale, à environ 800 ft/sol, le stagiaire aux commandes d’un hélicoptère Robinson R22 a tiré la mixture au lieu de tirer le réchauffage carburateur. Le moteur s’est arrêté. L’instructeur a repris les commandes, établi l’hélico en autorotation mais sans avoir le temps de relancer le moteur. L’appareil s’est retourné une fois au sol mais l’équipage est sorti indemne.
Cette confusion possible sur R22 a été documentée par le constructeur dès janvier 1981 via une Safety Notice, intégrée dans le manuel de vol. L’instructeur était au courant de cette menace et avait déjà briefé son stagiaire sur le sujet. Ce dernier était un pilote déjà qualifié sur Cabri G2 mais faisant une transition sur R22, avec briefing sur la gestion moteur, réchauffage carburateur compris. Pour ce second vol, l’objectif était de faire des simulations de panne moteur. C’est au retour de ce vol que le stagiaire s’est intégré dans le circuit de piste sans actionner le réchauffage carburateur. Hélico alors en descente, l’instructeur lui a demandé de repasser en palier et lui rappelant qu’il faut appliquer le réchauffage carburant avant la descente.
C’est là que le stagiaire a tiré la mixture et non pas le réchauffage carburateur. Réalisant son erreur, il a déclaré « avoir tiré la mixture » au moment où le régime moteur chutait rapidement. L’instructeur a repris les commandes, mettant l’hélico en autorotation, demandant à l’élève de repousser la mixture en vue de relancer le Lycomign O-320. S’occupant de trouver une aire d’atterrissage, il a dû choisir un champ labouré, entre autoroute, arbres et ligne électrique.
Il n’y avait alors plus le temps de redémarrer le moteur. Bien que translatant à moins de 5 Kt, les patins ont creusé le sol, l’hélicoptère a basculé sur le nez puis lentement sur le côté.
La commande de mixture bénéficie d’un bouton de friction, qu’il faut enfoncer pour pouvoir actionner la commande, contrairement à la commande de réchauffage carburateur. De plus,
la mixture est « protégée » de tout mouvement par inadvertance par un cylindre en plastique, qui peut se retirer si besoin et pouvant alors être « stocké » ailleurs. La mauvaise identification de la commande de réchauffage carburateur provient de l’absence de contrôle visuel avant action et de la très faible expérience du stagiaire sur la machine (deuxième vol). Ce dernier a réussi à « traverser » la barrière de la protection de la commande de mixture.
L’AAIB précise que cet accident est « un rappel que, même si les risques peuvent être identifiés et atténués, les limites des performances humaines font qu’il est impossible d’éliminer complètement les défaillances pouvant entraîner la concrétisation des risques ». CQFD. ♦♦♦
Photos © AAIB et Columbia University
Cet article est une piqûre de rappel après un précédent article sur le même sujet :
– Confusion de commandes
Rapport complet de l’AAIB en téléchargement :
MixtureR22