
Quelques considérations autour des essais moteur…
Lors de tout vol, les « bonnes pratiques » imposent de vérifier le bon fonctionnement de son moteur avant de décoller car, contrairement à une voiture que l’on peut arrêter sur le bas-côté de la route au cas où l’on aurait oublié de fermer un coffre ou de remplir le réservoir, il n’est pas possible dans la troisième dimension de faire un arrêt sur un nuage…
Parmi les vérifications à réaliser avant l’alignement figurent les essais moteur. Parmi ceux-ci, au-delà de vérifier le fonctionnement du réchauffage-carburateur (si l’appareil est équipé) ou le choix du sélecteur carburant (si l’appareil dispose de plusieurs réservoirs), la règle générale est de vérifier les circuits d’allumage via les essais des magnétos. La plupart du temps (hors moteurs Rotax, l’article concernant plutôt les Lycoming et Continental), il faut alors afficher 1.800 tr/mn (ou tout autre régime préconisé par le manuel de vol).
Puis, une fois le régime de départ bien stabilisé, l’essai consistera à passer sur une magnéto, à noter la chute du régime puis de revenir sur Both pour noter que le régime de départ est bien repris, puis de recommencer la même procédure avec la seconde magnéto, tout en notant dans les deux cas que la chute des tours et le différentiel de chute du régime entre les deux magnétos restent dans les tolérances indiquées par le manuel de vol.
Cet « essai des magnétos » – en fait du bon fonctionnement des deux circuits d’allumage – est essentiel mais il n’est pas forcément le seul à faire en la matière. D’autres essais peuvent être menés à différents moments du vol, comme le pratiquent certains aéro-clubs.
Après mise en route
Au parking, avant tout roulage et juste après le démarrage du moteur, un essai des magnétos peut être intéressant à faire. À faible régime, celui du ralenti ou moins de 1.000 tr/mn, il est ainsi possible de faire plusieurs essais. Le premier consistera à passer sur une magnéto et de marquer un temps d’arrêt, pour noter que le moteur ne coupe pas, puis de basculer sur la seconde magnéto, pour la même vérification, puis de couper rapidement les magnétos et bien noter que le moteur s’arrête alors, avant d’aussitôt repasser sur Both pour redonner vie au moteur.
Ce premier essai des magnétos, avant tout mouvement, permet déjà de lever des doutes.
Il doit confirmer que chaque magnéto, l’une après l’autre, « débite » bien et que, de plus,
la position Off du sélecteur permet bien de couper le moteur, ce dernier étant alors « à la masse ». Si cela n’est pas le cas, que le passage sur une magnéto entraîne aussitôt l’arrêt
du moteur, pas besoin d’aller plus loin.
Tout ceci constitue donc un essai qualitatif du circuit d’allumage. Il s’agit avant tout de vérifier le bon fonctionnement de l’allumage et la mise à la masse des magnétos si besoin.
Tout fonctionne donc correctement et il sera donc possible de rouler un peu plus tard pour rejoindre le point d’attente. Il n’y aura alors pas de surprise aux essais moteur avant alignement. Sans le premier essai après mise en route, un pilote n’est pas à l’abri de découvrir au point fixe qu’une magnéto connaît de sérieux problèmes, imposant un retour au parking.
On met évidemment de côté dans les dysfonctionnements possibles lors des essais moteur au point fixe le fait d’avoir « calaminé » les bougies lors d’un long roulage avec faible régime, avec des vibrations et fluctuations du régime aux essais de magnétos, dont le diagnostic ne prend pas plus d’une minute.
Au point fixe
Cette fois, il ne s’agit plus d’un essai qualitatif (cela marche ou pas) mais d’un essai quantitatif, plus exigeant, avec des valeurs précises à respecter au niveau de paramètres : régime
de départ, chute du compte-tours sur chaque magnéto et différentiel des chutes dans les tolérances. Cet essai est bien connu et déjà détaillé en début d’article.
Avant l’arrêt moteur
Une fois revenu au parking, à l’issue d’un vol, il est judicieux de refaire un essai qualitatif, en restant quelques secondes sur chaque magnéto pour voir qu’elle ne « coupe » pas (la panne a pu survenir durant le vol) puis de faire un essai coupure (Off) et vérifier que le moteur s’arrête bien. Ce dernier point est crucial si quelques instants plus tard, on va pousser l’avion dans son hangar en prenant appui sur l’hélice.
Même si la mixture a été laissée tirée après arrêt moteur, il reste sans doute encore quelques vapeurs d’essence dans les cylindres et les circuits carburant, suffisants pour effectuer quelques tours moteur impromptus si le sélecteur des magnétos n’est pas à la masse quand la clé est sur Off et qu’une mauvaise manipulation entraîne la rotation de l’hélice. Quelques cas réels de pilotes blessés dans ces conditions suffisent à prendre ce risque en considération.
Il s’agit par ce dernier essai magnétos de vérifier le bon fonctionnement de l’allumage (dans le cas contraire, l’intervention technique pourra être anticipée) mais surtout la mise à la masse des magnétos en position Off – ceci ne tient qu’à un… fil qui peut être fragile. Il faut aussi se rappeler que les magnétos « débitent » des étincelles dès que l’hélice est en rotation, et que le moteur peut donc partir même avec la clé de contact dans la poche si la mise à la masse n’est pas effective.
D’où l’intérêt de cet essai coupure avant l’arrêt complet – tout en vérifiant au passage le bon fonctionnement de chaque magnéto – le troisième du nom. Une fois ce dernier essai effectué, il faudra à nouveau repasser sur Both, remonter le régime pour éviter de calaminer les bougies vers 1.000 à 1.200 tr/mn puis arrêter le moteur à la mixture, la manette prenant alors le nom bien évocateur d’étouffoir… Ce n’est que lorsque l’hélice sera parfaitement immobile qu’il sera temps de passer les magnétos sur Off et de retirer la clé pour éviter tout doute. Attention, après rupture d’une pièce dans le sélecteur, il peut parfois être possible de retirer la clé alors qu’elle est sur 1, 2 ou 1+2 – une situation à corriger rapidement avant tout autre vol.
Évidemment, si vous faites une escale lors d’une navigation, vous pouvez volontairement oublier l’essai coupure tant que vous ne vous rapprochez pas de l’hélice. Par contre, si l’escale est rendue nécessaire par un avitaillement, il y a tout intérêt à faire l’essai coupure. Il en est de même si c’est le dernier vol avant retour au hangar de l’appareil.
Plusieurs points peuvent être encore rajoutés sur le sujet :
Le premier concerne une situation parfois rencontrée, notamment en formation quand l’élève après avoir démarré a « trituré » les magnétos, passant par inadvertance sur la première magnéto. Aux essais moteur, en partant de cette position et en croyant tester la première magnéto, il testera la seconde… Et quand il croira tester la seconde, il passera involontairement sur Off, entraînant au régime de 1.800 tr/mn des « retours de flamme » avec l’embrasement soudain du carburant non brûlé lors de la coupure – le tout pouvant endommager échappements ou silencieux. D’où la rigueur à avoir avant tout essais moteur de bien vérifier que le point de départ des essais moteur se fait bien sur Both.
Le deuxième point est une remise en cause de certains de ces essais de magnétos, en
notant que la multiplication des sélections magnétos constitue des opérations participant au vieillissement et à l’usure des systèmes, menant ainsi au fil du temps à des problèmes d’allumage !
Essai magnétos… en vol
Aussi, si l’essai avant décollage et l’essai avant arrêt moteur semblent inévitables, certains pilotes préfèrent mener un essai des magnétos… en vol, plutôt en fin de vol en croisière. L’objectif est d’anticiper un problème à venir en le détectant avant l’atterrissage et dans tous les cas, bien avant le prochain essai au point d’attente. Aux Etats-Unis, le promoteur des essais magnétos en vol est Mike Busch, « gourou » des moteurs outre-Atlantique au sein de son atelier Savvy Aviation, notamment via son ouvrage « Engines ».
La justification est également technique, sur la base qu’au régime de croisière, le circuit d’allumage est beaucoup plus sollicité pour enflammer le mélange air-carburant, surtout si
ce dernier est pauvre et non pas « plein riche » comme c’est le cas au sol. Cet essai est alors recommandé occasionnellement, pour noter toute irrégularité de fonctionnement ou une forte baisse des températures EGT sur tel ou tel cylindre et sur telle ou telle magnéto pour pointer par exemple du doigt une bougie en fin de vie.
Le conseil alors donné, si une perte totale de la puissance était constatée sur une magnéto, est de ne pas repasser aussitôt sur Both mais de réduire le régime au ralenti dans un premier temps, puis de repasser sur la bonne magnéto, ceci afin d’éviter des « explosions » dans les échappements avec un régime moteur élevé au départ et une combustion brutale du mélange non enflammé durant la coupure… ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com
Pour aller plus loin :
– The Mag Check (en anglais) par Mike Busch
– Mike Busch on Engines… (en français !)
– Point fixe ou pas ?