
Comme la remise de gaz à l’atterrissage, une procédure à avoir en tête au décollage.
En finale, il faut toujours être prêt à remettre les gaz si à la « porte des 300 ft/sol » en VFR, les paramètres essentiels (axe, plan, vitesse) ne sont pas suffisamment contrôlés pour poursuivre sereinement la courte finale. Au décollage, il en est de même. Si les paramètres ne sont pas « nominaux », il faut savoir dire Stop et s’arrêter avant de quitter le sol. C’est l’accélération-arrêt. Ainsi, remise de gaz et accélération-arrêt sont les deux procédures à bien connaître pour être prêt lors des phases critiques que constituent décollage et atterrissage.
Valider les conditions du décollage
Après l’alignement, les « trois portes » à ouvrir avant de décoller sont bien connues. Il faut vérifier que la puissance affichée atteint la bonne valeur, soit le régime statique à l’arrêt (et pression d’admission si équipé). Puis, après avoir sollicité le moteur au régime pleins gaz, il faut vérifier qu’il est content et donc confirmer l’absence de toute alarme (principalement pression d’huile et d’essence restant dans le « vert »). Enfin, si tout est parfait jusqu’à ce point, il faut encore vérifier que l’anémomètre est bien actif.
Tout ceci se fait dans l’ordre indiqué car logique. Si vous regardez en premier l’anémomètre, il y a peu de chance qu’il ait décollé peu après l’affichage du pleins gaz et son début de lecture peut parfois ne commencer qu’à 20 ou 30 Kt. Si vous vérifiez les pressions huile/carburant avant de vérifier la puissance affichée, là aussi, cela n’est pas cohérent car elles peuvent être bonnes mais la puissance nominale non atteinte. Si l’une de ces trois portes successives ne s’ouvre pas, la décision doit être immédiate : accélération-arrêt, soit réduction totale de la puissance, freinage et dégagement de la piste pour aller analyser le problème au parking.
Mais si les trois portes nécessaires pour pouvoir poursuivre le décollage sont bien passées, l’accélération-arrêt reste une possibilité. Avant la rotation, différents problèmes peuvent survenir. Citons-en quelques-uns : un pneu éclate, la porte ou la verrière s’ouvre, le moteur connaît des ratés, malgré la puissance nominale affichée au départ l’accélération est jugé insuffisante due par exemple à la traînée accrue de l’état de surface de la piste (herbe trop haute ?), un animal sauvage fait une incursion sur la piste devant vous, vous avez du mal à maintenir l’axe par fortes conditions de vent de travers, une fumée arrive en cabine, la trappe
à huile s’ouvre car non verrouillée, une collision aviaire, un passager qui panique… Ainsi, la possibilité de réaliser une accélération-arrêt doit être gardée en tête jusqu’à la rotation.
Une fois décollé, la survenue d’un problème similaire (ouverture de la verrière, ratés moteur, etc.) est une autre situation à gérer selon la gravité. L’ouverture de la verrière peut entraîner un tour de piste pour revenir se poser sans précipitation. Des ratés moteur doivent entraîner le maintien ou la remise en fonction de la pompe électrique, un changement de réservoir et l’on se trouve alors dans la situation d’une possible panne moteur en montée initiale ou une perte partielle de puissance. C’est hors sujet pour un article sur l’accélération-arrêt en monomoteur…
En fait, le concept d’accélération-arrêt est lié au pilotage d’un multimoteur. Si la panne d’un moteur intervient avant la rotation, il s’agira d’appliquer la procédure d’accélération-arrêt.
Si la panne intervient juste après la rotation, il faudra poursuivre en N-1. Dans le cas d’un monomoteur, le N-1 n’a pas de sens après le décollage, l’aéronef devenant un planeur, mais
le concept d’accélération-arrêt doit s’appliquer à un monomoteur jusqu’à la vitesse de rotation, en cas de problème rencontré lors de la course au sol.
Ce n’est que qu’après décollage depuis la longue piste d’un aéroport qu’un atterrissage dans l’axe peut être imaginé si le problème a été rencontré peu après la rotation, en tout début de montée initiale. Dans la majorité des cas, sur les longueurs de pistes rencontrés sur les aérodromes, la longueur devant soi ne suffira pas à s’arrêter sans sortie longitudinale mais c’est un résultat plus sûr pour l’équipage que de tenter un demi-tour menant à la perte de contrôle.
Une option en tête
Mais revenons à l’accélération-arrêt entreprise sur monomoteur avant d’atteindre la vitesse de rotation. Cette éventualité fait partie du briefing Sécurité avant décollage, remémorisé au point d’attente pour réactiver la mémoire à court terme et ainsi passer en revue les différents cas de panne possible au décollage : avant la rotation, après la rotation mais avec de la piste devant soi, après rotation sans piste devant soi et panne mineure entraînant un circuit pour se reposer. Ce briefing Sécurité peut aussi définir un point en aval de la piste, avec un repère latéral identifiable (travers la manche à air ou tel hangar…) où telle vitesse atteinte (70, 80% de la Vr ?) devra être atteinte pour avoir des marges de sécurité avec la longueur de piste restante.
Et donc depuis le lâcher des freins et jusqu’à la vitesse de rotation, l’accélération-arrêt doit rester une possibilité, d’où la nécessité d’être vigilant, bien concentré, à l’écoute du moindre signal anormal et prêt à réagir vite au moindre doute. Si décision est prise d’un accélération arrêt, la réduction de la puissance doit être totale pour ne pas retarder la décélération et ne pas solliciter encore plus les freins. Le freinage devra ensuite être adapté. Sur piste d’aéroport, la décélération progressive permettra d’atteindre le prochain taxiway afin de ne pas encombrer la piste… sauf si l’arrêt s’impose rapidement pour évacuer l’appareil en cas d’un départ d’incendie par exemple ou si un pneu éclaté empêche tout roulement.
Il en sera bien différemment sur une piste de 700 m surtout si l’accélération-arrêt a été enclenchée peu avant la rotation, la distance restante va alors nécessiter un freinage énergique, qu’il faudra « piloter » pour ne pas bloquer les roues, en accentuant le freinage au fur et à mesure. Il faut donc gérer la distance disponible et doser le freinage en conséquence – facile à dire… Après avoir réduit la puissance et assuré le freinage jusqu’à l’arrêt complet et/ou la piste évacuée, un message radio peut être utile pour le contrôle ou les autres aéronefs au point d’attente.
Si malgré un freinage énergique, l’appareil va quitter la piste longitudinalement, il faut rester aux commandes et gérer la trajectoire au mieux pour atteindre l’arrêt en évitant si cela est possible les principaux obstacles sur sa route. Si un obstacle « solide » se présente et ne peut être évité (mur d’enceinte, bâtiment, etc.), il est sans doute préférable d’effectuer un virage même à vitesse trop élevée plutôt que de subir un choc frontal, quitte à laisser le train dans la manoeuvre. C’est équivalent à un atterrissage forcé où la priorité est de sauver l’équipage, l’appareil étant secondaire. La fin de la trajectoire imposera alors d’évacuer la machine après avoir tout coupé (magnétos, sélecteur carburant, contact général).
Quelle distance nécessaire ?
Mais quelle distance est nécessaire pour assurer une accélération-arrêt au moment le plus critique soit juste à la vitesse de rotation. Les manuels de vol ne mentionnent généralement pas cette donnée. Seul manuel trouvé indiquant la distance d’accélération-arrêt, celui du
TB-30, avec le chiffre de 600 m sur piste en dur. La solution empirique consiste donc à ajouter la distance de roulement au décollage à celle de roulement à l’atterrissage à partir des données du manuel de vol mais le résultat obtenu sera « optimiste ». Il faudrait ajouter le temps de réaction (ou de sidération…) qui peut être que d’une poignée de secondes (minimum 2 à 3 s dans le meilleur des cas) mais à 25 ou 30 m/s cela fait encore de la distance perdue pour freiner, le freinage n’étant pas forcément ensuite bien optimisé dans le feu de l’action, sous l’effet du stress.
Le manuel du DR-400/180 (à la masse maximale, sur piste en dur, par conditions standards soit +15°C au niveau de la mer, vent nul) donne 205 m de roulement pour atteindre 1,1.Vs1 et 220 m de roulement à l’atterrissage avec un « freinage modéré » soit un total de 425 m. Dans les mêmes conditions (masse maximale, standard sans vent), l’Elixir donne 250 m au décollage et 225 à l’atterrissage soit 475 m si on enchaîne bien les deux phases. Dans les deux cas, il faudrait rajouter environ 15 à 20% si la piste est en herbe et l’on dépasse alors la barre des 500 m depuis le lâcher des freins. Ces distances sont en pratique des valeurs a minima…
Sur piste de 600 à 700 m, mieux vaut donc s’aligner au seuil de piste car les marges de manoeuvre du pilote restent faibles. Des rapports du BEA montrent que des accélérations-arrêt peuvent mal s’achever avec des pistes de 1.000 m. Sur piste limitative, il ne sera pas possible de s’arrêter avant l’épure. Exemples parmi d’autres : 438 m de piste à Brindas et 600 m à Chelles, deux terrains à usage restreint, 585 m d’ASDA (Accelerate-Stop Distance Available) à Saint-Junien, 690 m à Pérouges. Dans l’idéal, le mieux est donc de s’exercer sur une longue piste pour évaluer la distance d’accélération-arrêt « réelle » de votre appareil en « conditions réelles ». Cela fait partie d’ailleurs de la formation menant au LAPL/PPL. ♦♦♦
Photo © F. Besse / aeroVFR.com
Pour aller plus loin :
Etude du BEA sur la perte de puissance au décollage, au roulement ou après décollage
et l’accidentologie associée.
Rapports du BEA liés à l’accélération-arrêt :
ArretBrindas
ArretPerouges
ArretPerpignan
ArretPont