
Collecte automatique des données de vol en temps réel.
Le projet est mené par Elisabeth Monteiller (tendance commerce) et Karim Tekkal (tendance technique). Ils ont auparavant travaillé au sein de Safety Line, une start-up spécialisée dans l’analyse de données de vol des avions commerciaux pour optimiser la consommation de carburant et la sécurité des opérations. Oeuvrant dans le domaine des data, ils ont fait le constat que « la plupart des avions légers ne sont équipés ni de GP intégré ni de boîte noire ». Très peu sont les avions exploités en aéro-club ou en école de pilotage à être équipés d’enregistreurs de données de vol.
Un enregistreur de données de vol
D’où la volonté de combler ce manque et ce « décalage profond entre une aviation commerciale ultra-numérisée et une aviation légère encore très manuelle ». Plusieurs projets ont déjà fait le même constat (API chez iAéro, la Box de Safetyn entre autres) et donc le
« frein n’est pas technologique, il est commercial, économique et opérationnel ». Il faut donc proposer « des solutions simples, abordables et adaptées aux usages réels du terrain ».
Après le rachat de Safety Line par le groupe Sita, tous deux ont décidé de lancer un projet
via la start-up Foxtrot Aviation créée en novembre 2024. Ce seront ensuite une phase de prototypage puis d’essais durant cinq mois d’exploitation sur 6 appareils dont des Elixir et
APM au sein de l’aéro-club Brocard (Etampes). Un an après le début du projet, après un lancement commercial à Aero 2024 et une fin de campagne de vol (500 heures) en juin dernier, les premières unités de production sont disponibles depuis octobre avec comme objectif l’installation sur 50 appareils avant la fin de l’année.
Transmission de données en temps réel
Il s’agit de proposer un boîtier non certifié mais conforme au CS-STAN, se branchant – sans modification structurelle ni dossier administratif – sur le circuit électrique de tout aéronef via une simple prise USB. Ce boîtier, d’une taille inférieure à celle d’un téléphone portable, pesant 100 gr, comporte carte électronique, accéléromètres, récepteur GNSS et enregistreur de différents paramètres (position GPS, altitude, vitesse, temps moteur, etc.), les transmettant en temps réel via le réseau 4G vers le « client » qu’il s’agisse du gestionnaire d’un club (président, responsable pédagogique, au choix de qui peut voir quoi…) ou exploitant d’une flotte (école
de pilotage). Si le réseau 4G n’est accessible momentanément (relief, altitude), un buffer enregistre et transmettra plus tard les données.

Celles-ci sont accessibles quel que soit le navigateur utilisé, via la plate-forme In Flight Tracking. Cela permet de visualiser les vols en cours, d’analyser les trajectoires, de détecter des anomalies, d’avoir un historique complet des vols, etc. Les avantages mis en avant sont par exemple le suivi des vols solo, l’amélioration des débriefings après vol en double ou en solo via les tracés précisant la trajectoire (tour de piste, touchés, QFU utilisés, respect du plan d’approche, etc.), le suivi de la maintenance avec les heures moteur…
Pour intéresser les gestionnaires de flotte, le système peut également servir au suivi de la facturation des heures de vol, voire à la refacturation d’une taxe d’atterrissage reçue plusieurs semaines ou mois après le vol en question pour une attribution rapide, avec interface possible vers d’autres applications (Openflyers, FlightLogger ou autres). Le système est proposé par abonnement à raison de 2 €/heure de vol, comprenant la location du boîtier (maintenance incluse), l’accès illimité à la plate-forme web (multi-utilisateurs) et le support (email et chat).
Un essai gratuit de 15 jours est proposé.
Le forfait annuel repose sur l’estimation des heures de vol prévues, ajustées en fin de saison selon l’activité réelle. Le forfait d’activation (une unique fois) est de 100 € pour les 50 premiers abonnements, 200 € par la suite, comprenant l’activation du boîtier, la création de l’espace client, l’expédition du boîtier et l’assistance initiale. Le marché dira si cela répond aux attentes ! Cela pourrait intéresser les gros clubs comptant une flotte importante et de nombreux membres, ainsi que les écoles de pilotage.

Les données transmises par le système sont celles récupérées via l’avionique et traitées par exemple sur FlySto, avec la possibilité de préciser si le touché a été fait train principal à cheval sur le pointillé de la piste… mais il s’agit alors de données récupérées par le pilote via l’avionique ou sa tablette de navigation. La solution Foxtrot Aviation diffuse automatiquement ces données à l’exploitant, le boîtier étant lié directement à un aéronef, et indirectement
à un pilote donné.
Le côté négatif, qui ne pourra être évité, sera une perte supplémentaire de la « liberté de voler » avec un suivi à la laisse. Les développeurs répondent que les appareils appartiennent
à un club ou une école et que les propriétaires ont le droit d’avoir un regard sur l’utilisation
de leur flotte, y compris en temps réel et qu’il est constaté que des avions vendus plusieurs centaines de milliers d’euros ne disposent pas d’un enregistreur de bord pour suivre les paramètres d’utilisation comme c’est le cas de tout modèle automobile récent…
Sans pouvoir récupérer les données de l’avionique de bord, pour rester un système simple et non certifié, donc moins coûteux, le boîtier n’est pas résistant au crash mais certaines données pourraient cependant être récupérées et être utiles dans le cadre d’une enquête du BEA après un accident. Il est par ailleurs précisé que les données enregistrées et transmises sur la plate-forme via un cloud sécurisé ne sont pas publiques – comme peuvent l’être des traces radar sur Flightradar24 – étant accessibles uniquement au gestionnaire de la flotte.
Une tendance à l’horizon ?
L’EASA dans son plan de sécurité 2021-2025 évoque le sujet, précisant que l’enregistrement des vols (paramètres) doit être facilité et que des suggestions proportionnées aux catégories d’avions sont à prévoir selon la catégorie d’appareil et le type d’opérations. Le plan 2018-2022 envisageait déjà la possibilité d’installer des systèmes anti-collision et des enregistreurs de vol sur les appareils de moins de 5,7 tonnes, ce sans obligation réglementaire.
Ceci faisait suite à un groupe de travail RMT.0271 « Enregistreurs de vol pour avions légers » devant évaluer « la nécessité d’enregistreurs de vol » pour des appareils pour lesquels aucune obligation d’emport n’existe. L’EASA précisait que les « différents organismes d’enquêtes accidents ont fréquemment souligné l’absence de données pour enquêter sur certains accidents d’avions légers. Ceci s’explique par le fait qu’il n’y a pas d’obligation d’installer un enregistreurs des données de vol sur un avion léger ». ♦♦♦
Photos © Foxtrot Aviation